114 CD pour fêter les 85 ans du Maestro Brendel !

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0126_JOKERPour fêter l'anniversaire du Maestro, Decca (anciennement Philips) a mis les petits plats dans les grands. Rien moins que la totalité des enregistrements réalisés pour Philips et Decca ensuite, soit 114 CD mettant d'emblée en lumière les préférences viennoises du pianiste.
Par ordre quantitatif décroissant : Beethoven, Mozart, Schubert, Haydn et puis quelques autres allemands, Schumann, Brahms -les deux concertos et les Ballades op.10-, Bach, Busoni, Schoenberg -le Concerto op. 42-, Berg -La Sonate op. 1-, les Variations sérieuses de Mendelssohn,  les Tableaux de Moussorgsky, le Konzertstück de Weber avec Abbado et sa 2e Sonate, un Chopin héritage de l'ère Vox Turnabout, et j'allais oublier Liszt également très présent avec sa Sonate en si mineur et des pièces tardives que Brendel contribua fortement à réhabiliter après des années de silence.
Si peu de compositeurs pour autant de CD's ? Après des enregistrements pour une des petites maisons de disques américaines venues s'installer à Vienne après la guerre car là, il était possible de réaliser des enregistrements à moindres frais, le jeune Brendel passe chez Vox/Turnabout où il réalise une première intégrale des oeuvres pour piano de Beethoven ainsi que des compositeurs russes, Liszt et quelques concertos de Mozart. C'est ensuite un passage chez Vanguard et, fin des années 1960, Alfred Brendel est remarqué par Philips. Le début d'une ère heureuse où rien n'est refusé à l'artiste. C'est ainsi qu'il a pu enregistrer à plusieurs reprises le coeur de son répertoire, parfois jusqu'à trois ou quatre reprises, soit pour avancer conjointement avec les techniques d'enregistrement, soit pour des raisons de réflexions esthétiques, soit en "live", soit en studio. On trouvera ici par exemple trois versions des concertos de Beethoven : une avec Haitink, une autre avec Levine et une dernière, en 1997, avec Simon Rattle, une totale réussite. Ou encore les Variations Diabelli en "live" à Londres en février 1976 peu après la naissance de son fils Adrian avec qui il a enregistré les sonates pour violoncelle et piano de Beethoven que l'on retrouve ici, une autre en studio en 1988 et une troisième "live" en 2001. Quant aux sonates, qu'elles soient de Beethoven, de Mozart ou de Haydn, elles suivent les mêmes reprises, autant de visions d'une même oeuvre, qu'elles subissent des variations subtiles ou plus radicales. Mais toujours la synthèse des contraires : clarté des structures, soin du toucher, constante recherche de la couleur comme autant d'évocations de caractères, usage de la pédale "notre moyen artistique le plus précieux et le plus personnel" créant de délicats contours harmoniques, urgence de l'émotion, humour surgissant et fugitif. Des enregistrements plus qu'impeccables sous tous rapports côtoieront les coups de coeurs tels la Sonate de Liszt de 1991, la Wanderer Fantaisie de 1971, la Hammerklavier de 1995 ou telle sonate de Haydn ou de Mozart. Pour parfaire l'ensemble, avec un sourire mi-narquois, mi-rusé, l'artiste note d'un petit parapluie signé AB -il semble beaucoup pleuvoir à Londres- ses versions de prédilection qui vont la plupart du temps dans le sens de l'autorité du discours. L'aventure commençait en septembre 1961 avec des Lieder de Schumann en compagnie d'Eberhard Wächter, elle s'est terminée en décembre 2008 avec Bach, Beethoven, Haydn, Mozart, Schubert et, en guise d'adieu, "Nun komm, der Heiden Heiland" signé Bach/Busoni. Ajoutons encore le très bel ouvrage accompagnant ce grand coffret : un copieux livret grand format de 219 pages en anglais, français et allemand, reprenant les détails de chaque CD, bien sûr, mais aussi un texte très documenté de Misha Donat suivi d'un texte de Brendel et de superbes photos inédites lors d'enregistrements ou plus privées. "Toute une vie d'enregistrements" ou soixante ans de vie pianistique, reflet de la personnalité de l'artiste, à la fois poète, esthète, peintre et pianiste.
Bernadette Beyne
2015, Decca 478 8827, Edition limitée

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