A Concert for New York

par

Gustav MAHLER
(1860-1911)
Symphonie n° 2 « Résurrection »
New York Philharmonic, dir. Alan GILBERT - Dorothea Röschmann, soprano - Michelle De Young, mezzo-soprano - New York Choral Artists
NTSC 16:9 – Dolby Digital 5.1 – DTS 5.1 – PCM Stereo
Accentus 20241 - 111’48" - Sous-titres français, anglais, allemand

12 septembre 2001. L’humanité, meurtrie, peine à reprendre son souffle. A New York, le vent charrie d’épais nuages de cendres. La soirée promettait pourtant d’être radieuse: Beethoven et Anne-Sophie Mutter s’étaient donné rendez-vous au Lincoln Center for the Performing Arts. La rencontre n’aura pas lieu. Le cœur n’y est pas. Zarin Mehta et Kurt Masur ont annulé le gala d’inauguration de la nouvelle saison du New York Philharmonic. A la place, l’orchestre et les New York Choral Artists ont programmé, le 20 septembre, le Deutsches Requiem de Johannes Brahms sur la place Josie Robertson, devant la salle Avery Fisher du Lincoln Center. Le lendemain, les instrumentistes se rendront à Lower Manhattan; dans le hall des bureaux, ils iront semer dans le cœur des new-yorkais quelques notes et lueurs d’espoir.
Comment le New York Philharmonic et les New York Choral Artists auraient-ils pu, dix ans plus tard, manquer l’occasion de commémorer les tragiques événements de «Nine Eleven»? L’émouvant DVD que voici lègue à l’humanité le souvenir d’un concert remarquable qui se tint le 10 septembre 2011 dans la salle Avery Fisher et fut diffusé simultanément sur les ondes télévisées. Il constitue un témoignage poignant de l’engagement du Philharmonique qui, comme l’indique son chef Alan Gilbert -premier natif de New York City à la tête de l’orchestre-, se veut au service du peuple new-yorkais: «nous voulons être une sorte de table de résonance de la ville, un lieu où les gens viennent vivre un moment d’humanité partagée». Confrontés à la barbarie la plus abjecte, dit Gilbert dans le bref prologue au concert, «nous faisons ce que font les gens quand les limites de la raison sont atteintes: nous nous tournons vers l’art». Et de poursuivre, dans l’interview bonus figurant sur ce disque: «en tant qu’artiste, j’ai basé ma vie sur l’espoir que l’art peut parler au gens dans ce genre de situations».
Les œuvres composées à la mémoire des victimes du 11 septembre étant légion, Gilbert aurait évidemment pu opter pour l’une d’elles pour commémorer ce triste anniversaire. On pense notamment au Concerto pour piano Résurrection de Penderecki. C’est pourtant sur une autre Résurrection que se porta le choix du chef: la Deuxième Symphonie de Mahler. Choix judicieux, parce que fédérateur. New York conserve un souvenir inébranlable de la fin de carrière en son sein de l’auteur des Kindertotenlieder. Le New York Philharmonic n’avait-il pas d’ailleurs déjà joué la Deuxième Symphonie de Mahler à la mort de J.F. Kennedy?
Si le titre Résurrection n’est, on le sait, pas de Mahler, il n’en reste pas moins que l’œuvre –comme le dit fort bien Gilbert– parcourt toutes les émotions humaines que les new-yorkais peuvent avoir éprouvées, et continuent de ressentir aujourd’hui, depuis les attentats du World Trade Center. Mahler nous fait part dans cette œuvre de son obsession de la mort et de l’absurdité de la vie terrestre. Tout au long du titanesque premier mouvement, de facture brucknérienne, le héros mis en scène par le compositeur lutte, prisonnier du monde, avant de rendre l’esprit. Le second mouvement, un interlude, partage un bref instant de quiétude, «un rayon de soleil que projette la vie du héros» se souvenant de ses amours. Le troisième mouvement est une scène de bal, pâle reflet de la vanité de la vie ici-bas. Vient ensuite le splendide Urlicht, évoquant les interrogations de l’âme. S’annonce, pour finir, le jugement dernier, qui pourtant ne vient pas. «Tout a cessé d’exister».
L’interprétation figée sur ce DVD est réellement incandescente. Urlicht, en particulier, résonne dans les cœurs avec une sincérité désarmante. L’émotion était palpable dans les regards des passants médusés devant l’écran géant érigé sur la place attenante au Lincoln Center ce 10 septembre 2011.
A l’émotion se mêle ici cette ferveur patriotique dont le peuple américain a le secret et que justifient amplement les circonstances. Ainsi ne serez-vous pas surpris d’entendre, à l’entame du concert, The Star-Spangled Banner.
Ne vous attendez pas, en revanche, à revoir dans ce DVD quelque image des attentats du 11 septembre. L’heure n’est ni au voyeurisme, ni à l’apitoiement. Le monumental premier mouvement de la symphonie se suffit à lui-même pour dépeindre la tragédie dont elle porte ici le souvenir. Les dernières mesures, qui voient s’écrouler les cordes d’une octave, évoqueront immanquablement avec effroi aux témoins de ce concert-anniversaire la chute des tours jumelles.
«Oui, tu ressuciteras… Auprès de Dieu te mèneront les maux dont tu as souffert». C’est sur ces mots que se termine l’œuvre monumentale de Mahler. Il y a onze ans, le Requiem de Brahms s’était achevé dans le silence absolu. Dix ans plus tard, la Deuxième de Mahler se clôturait sur un tonnerre d’applaudissements. Preuve, s’il en est, que New York a bel et bien ressuscité de ses cendres.
Olivier Vrins

Son 8 - Livret 8 - Répertoire 8 - Interprétation 8

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