A Genève, la rencontre de deux grands artistes 

par
Nicolay Znaider

Nicolay Znaider

Piotr Anderzewski
Piotr Anderzewski

Pour sa série ‘Les Grands Interprètes’, l’Agence Caecilia convie deux grands artistes, le violoniste Nikolay Znaider et le pianiste Piotr Anderszewski, qui entreprennent actuellement une tournée de récitals en Europe. A Genève, on les entend chacun régulièrement ; mais c’est la première fois qu’on les applaudit en duo.Leur programme est intéressant par sa versatilité puisqu’il débute par la Sonate pour violon et piano de Leos Janacek, troisième tentative du genre achevée en 1922. L’archet y impose d’emblée un trait impérieux, alors que le clavier a des sons à l’arraché ; la Ballada a la fluidité d’une rêverie où se love l’émotion. Par l’instabilité rythmique de la main gauche rappelant le recueil Sur les sentiers broussailleux, le pianiste innerve le dialogue de l’Allegro de véhémence avant de se cantonner dans un lyrisme contenu pour un Adagio où le violoniste livre quelques interrogations angoissées concluant sur un pianissimo aussi mystérieux que saisissant. Dans un climat assez semblable est proposée la Deuxième Sonate en ré mineur op.121 écrite en huit jours par Robert Schumann à la fin octobre 1851. L’attaque des premiers traits est péremptoire ; puis cette pulsation énergique contamine tant le développement de l’Allegro que le Scherzo massif, traversé par d’étranges inflexions qu’accaparera le pizzicato du violon pour un Leise, einfach amène. Et le Bewegt final retrouve les accents débridés du Carnaval op.9 emportés par une véritable houle sonore. Etrangeté est le terme qui caractériserait les Quatre Pièces op.7 d’Anton Webern élaborées en juin 1910. En l’espace de cinq minutes, l’archet zèbre de coloris violents les deux séquences rapides quand le clavier susurre en un pianissimo extrême les deux mouvements lents. Sans que le public ait pu reprendre son souffle, s’y enchaîne dans un naturel confondant l’une des plus célèbres sonates de Beethoven, la Cinquième en fa majeur op.24 dite Le Printemps. Les doubles croches des premières phrases du violon éblouissent par un coloris radieux que le piano rendra épique par ses traits descendants. L’Adagio baigne dans des demi-teintes rassérénées, tandis que la précision du trait soulignera les contretemps syncopés du Scherzo. Et le Finale surprend par la liberté d’un phrasé qui renoue avec les envolées primesautières du début. En bis, un choral de Bach et le Liebesleid de Fritz Kreisler dont Piotr Anderszewski improvise l’accompagnement, faute d’en avoir retrouvé la partition !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 30 mars 2017

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