A Genève, un chef d’exception pour le Requiem de Verdi

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Edo de Waart © HKPO Bobby Lee

Dans le cadre de sa saison 2014-2015, le Grand-Théâtre de Genève présente au Victoria Hall quatre exécutions de la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi. Oeuvre aux dimensions colossales, cette partition nécessite une phalange de cordes qui puisse équilibrer les cuivres par quatre, trois flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, quatre bassons  et une percussion large. S’y ajoutent un double chœur et un quatuor de solistes rompus à l’esthétique du dernier Verdi. A la tête des Chœurs renforcés du Grand-Théâtre de Genève remarquablement préparés par Alan Woodbridge et de l’Orchestre de la Suisse Romande, en grande forme lorsqu’il a devant lui un chef de talent, le maestro néerlandais Edo de Waart imprègne d’un souffle tragique cette fresque, en maintenant l’auditeur en haleine jusqu’à la dernière note ; et tous les ressorts de cette machine impressionnante sont huilés avec une louable précision. Mais le bât blesse avec un quatuor soliste totalement déséquilibré. Au dernier moment, la Russe Svetlana Ignatovich se substitue à Csilla Boross, découverte dans le ‘Nabucco’ de la saison dernière : mais fallait-il réellement une Abigaille pour une partie de ‘soprano lirico spinto’ au coloris crémeux, apanage des Milanov, Tebaldi, Price d’une autre époque ?  Ici, la remplaçante n’a que des moyens forcés à outrance et une intonation précaire à offrir à des pages sublimes, défauts que l’on imputera aussi à la basse Roberto Scandiuzzi qui n’est plus que l’ombre de lui-même et qui devrait avoir la décence de se retirer. Le jeune ténor Riccardo Massi, entendu récemment à Marseille en Enzo Grimaldo de ‘La Gioconda’, est encore un peu vert dans ses nombreuses interventions qui requièrent un ‘sfumato’ et un art du phrasé que saura vraisemblablement lui conférer la maturité. Et finalement la seule à tirer son épingle du jeu est une Violeta Urmana redevenue mezzo qui possède autant le coloris cuivré du « Liber scriptus proferetur » que l’ample legato du « Recordare Jesu pie ».
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 8 mars 2015

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