A Genève, une Bohème des pauvres…

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Un halo de lumière, la neige tombant sur le malheureux Rodolfo qui esquisse un geste d’espoir, c’est la belle image qui sert de frontispice. Des parois de tissu grisâtre conçues par Raimund Orfeo Voigt encadrent le lieu d’action où viendront s’ajouter un poêle, une table, un chevalet et un matelas paillasse ; le plateau tournant amènera ensuite la proue d’un immeuble à étages, illuminé d’ampoules en guirlande, dans lequel s’encastre le Café Momus. Puis les écrans ternes constitueront la Barrière d’Enfer qui, sur la droite, révélera l’intérieur de la gargote.Dans ce décor des plus minimalistes éclairé adroitement par Tamas Banyai, la mise en scène de Matthias Hartmann se contente d’une simple mise en place avec quelques trouvailles (une Musetta que de vigoureux bras véhiculent de la plateforme du deuxième étage jusqu’aux bras ouverts de Marcello ou la fanfare traversant le plateau en étant escortée par les badauds jusqu’en coulisse). Et les costumes de Tina Kloempken proviennent d’un prêt-à-porter d’aujourd’hui, donc sans cachet particulier, mis à part le coloris rutilant qu’arborent le tambour-major et sa clique.
Le Chœur du Grand-Théâtre (préparé par Alan Woodbridge) et la Maîtrise du Conservatoire populaire de musique de Genève (dirigée par Magali Dami et Fruzsina Szuromi) s’en donnent à cœur joie et se montrent d’une louable précision sous la baguette de Paolo Arrivabeni qui insuffle à l’Orchestre de la Suisse Romande une générosité expansive que suscite la richesse de l’instrumentation. Sur scène, Nino Machaidze dessine une Mimì plutôt pimpante ; mais en dix ans, depuis ses débuts internationaux à la Scala de Milan, l’émission du son est entachée du vibrato large des voix slaves qui ne trouve une certaine assise que dans la scène finale où l’émotion finit par la gagner, en produisant finalement l’adéquation entre la sonorité et l’incarnation. Face à elle, le ténor ukrainien Dmytro Popov affiche une tout autre franchise des moyens avec un aigu sain et une bonhommie qui rendent son Rodolfo convaincant. Par le grain cuivré d’un vrai baryton lyrique, le Marcello d’Andrè Schuen s’inscrit dans la même ligne, quand Julia Novikova n’est qu’une Musetta pétulante qui darde ses notes hautes sans posséder la consistance du medium. Michel de Souza fait ‘exister’ un Schaunard trop souvent sacrifié, tandis que Grigory Shkapura campe un Colline encore un peu vert. Le Benoît de Wolfgang Bartha et l’Alcindoro d’Alexander Milev complètent judicieusement cette distribution qui verra alterner ses premiers plans au fil de dix représentations jusqu’au 5 janvier.                           Paul-André Demierre
Genève, Opéra des Nations, première du 21 décembre 2016

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