A Genève, une Brünnhilde inattendue, Petra Lang

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© GTC/Carole Parody

En mars 2013, le Grand-Théâtre de Genève avait présenté le prologue de la Tétralogie, ‘Das Rheingold’, dans une mise en scène de Dieter Dorn, des décors et costumes de Jürgen Rose avec Ingo Metzmacher à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande. La même équipe s’attaque maintenant à la première journée, ‘Die Walküre’, avec le même propos, celui de respecter les lignes de force de la trame dans un dépouillement scénique pleinement assumé. Ainsi, au premier acte, voit-on le frêne central avec l’épée Nothung fichée dans son flanc, au deuxième, de larges miroirs aveuglant le public du parterre mais renvoyant à Wotan son image omniprésente, au dernier, l’amoncellement de rochers encadrant un promontoire où Brünnhilde endormie pourra être encerclée par un rideau de flammes. L’utilisation intelligente de la figuration permet de suggérer les boucs entraînant le char de Fricka ou les destriers véhiculant les cors des guerriers morts qu’entassent les walkyries. Des manteaux et tuniques ternes qu’arborent les premiers plans se détache l’ample cape bleutée symbolisant la puissance de Wotan et l’immortalité des dieux. A la tête de l Orchestre de la Suisse Romande, le chef Ingo Metzmacher recherche la fluidité du discours en évitant les exagérations de coloris ou de dynamique, notamment dans la narration de Wotan qui, pour une fois, donne l’impression du naturel, sans faire un sort à chaque mot. Rarement sur le plateau aura-t-on perçu une pareille cohésion dans la chevauchée des walkyries, où chacune d’entre elles se hisse au rang de protagoniste réelle. La découverte de la soirée est, du reste, Petra Lang qui, par la fulgurance de l’aigu, accède à la stature de grand soprano dramatique, après s’être fourvoyée durant tant d’années dans une tessiture trop grave pour elle. Par contre, Tom Fox peine dans le rôle écrasant de Wotan qui le laisse dépourvu d’aigus dans les sublimes adieux du dénouement. Günther Groissböck a le coloris granitique d’un Hunding saturnien, quand Elena Zhidkova ne prête à Fricka qu’une émission anguleuse manquant d’ampleur. Will Hartman affiche la solidité de métal d’un Siegmund intrépide, mais il partage avec Michaela Kaune le peu de rayonnement d’élans passionnés trop aseptisés. Ce n’est, néanmoins, qu’un défaut mineur dans l’ensemble d’une production qui fonctionne sans heurts.
Paul-André Demierre
Genève, Grand-Théâtre, le 7 novembre 2013

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