A la Scala, le chorégraphe Mauro Bigonzetti fait danser Haendel

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« Dans mon nouveau travail, les sens principaux sont l’œil et l’oreille, voir et entendre. C’est comme mettre à nu la musique, c’est comme vouloir nettoyer un peu les facultés sensorielles du spectateur uniquement par la danse pour les yeux et par la musique pour les oreilles ». Voilà ce que déclare le chorégraphe Mauro Bigonzetti à propos de son nouveau Progetto Händel, projet qui s’appuie sur la théâtralité innée que recèle n’importe quelle page de l’auteur du Messie et qui parachève ce qu’il avait tenté dans InCanto, Festa Barocca et Come un respiro entre 2007 et 2009.Sur une scène totalement vide où les lumières de Carlo Cerri créent une atmosphère étrange, une vingtaine de danseurs, dont les ballerines sur pointes, livrent une création abstraite sans la moindre connotation dramaturgique. Dans la première partie qui dure cinquante minutes, le piano de James Vaughan enchaîne avec une rare maestria dix-huit mouvements extraits des Suites pour clavier HWV 426 à 452. Selon le concept de Helena de Medeiros, collants et justaucorps usent du noir et du blanc pour ébaucher une épure qui puisse mettre en valeur le corps ; chaque geste, épousant les volutes de la ligne mélodique, est vecteur d’émotion. Les figures se tordent, s’étirent en mouvements saccadés ou convulsifs. Laissant de côté leur statut d’étoile du ballet, Svetlana Zakharova et Roberto Bolle se fondent dans l’ensemble, même si, sporadiquement, une variation ou un pas de deux rivent l’attention du spectateur.
La deuxième partie contraste complètement avec la première par l’adjonction de quatre instruments (le violon de Francesco De Angelis, le hautbois de Fabien Thouand, la flûte d’Andrea Manco qui dialoguent avec le continuo assumé par James Vaughan, au clavecin cette fois-ci, et par Massimo Polidori au violoncelle). Alors que se dévide l’écheveau des fragments de ‘Sonate a tre’ et des ‘Sonates pour flûte droite et continuo’, corsages et tutus bouffants, maillots et pantalons serrés imposent une palette de couleurs beaucoup plus vives afin de suggérer le baroque triomphant. Enjambées larges, cabrioles, sauts de chat, contorsions lentes s’harmonisent avec la progression chromatique des éclairages. Et la lenteur majestueuse de la célèbre Sarabande de la Quatrième Suite op.2 HWV 437 voit un Roberto Bolle ployant pour soutenir sa partenaire, Svetlana Zakharova, en un moment de pure magie où le spectateur retient son souffle. Au rideau final, danseurs, instrumentistes, étoiles s’alignent pour acclamer Mauro Bigonzetti ; mais les derniers saluts voient revenir les deux stars de la soirée qui répondent aux interminables rappels de leurs ‘fans’ surexcités.
Paul-André Demierre
Milano, Teatro alla Scala, première du 20 mai 2017

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