A l’Orchestre de la Suisse Romande, la jeunesse à la rescousse !

par
Brantelid

Andreas Brantelid © Marios Taramides

Chaque saison, la programmation de l’Orchestre de la Suisse Romande s’articule en plusieurs séries de concerts, dont les principales s’intitulent Grands Classiques, Symphonie et Répertoire.

Dans la première, l’affiche du 12 octobre voyait au pupitre le chef slovène Marko Letonja qui, depuis 2012, est directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg et directeur artistique de l’Orchestre Symphonique de Tasmanie ; et récemment il a tenu la baguette lors de la production de Manon à l’Opéra des Nations. Fut d’abord proposé le Prélude au premier acte de Lohengrin, redoutable d’exécution par son thème du Graal exposé par les violons divisés en huit parties afin de créer un univers éthéré ; mais ici s’est fait sentir le manque d’homogénéité de ce registre, avant que n’interviennent les bois, cors, altos et cordes graves pour nourrir le crescendo d’expression. Puis intervint un jeune prodige de trente-et-un ans, le violoncelliste danois Andreas Brantelid, interprète du Concerto en mi mineur op.85 d’Edward Elgar, ouvrage qu’il a présenté à l’âge de quatorze ans avec l’Orchestre Royal de son pays. Maître de son jeu, en totale osmose avec l’OSR, il a élaboré un phrasé d’une rare invention, épiant la moindre nuance, usant de tout rubato pour révéler le génie d’écriture, ce qui apparut aussi dans une Sarabande de Bach donnée en bis. La deuxième partie de programme fut consacrée à deux partitions majeures de Richard Strauss : extraite du Rosenkavalier la longue suite de valses op.59 datant de 1944 puise sa matière dans les trois actes et parut ici brouillonne au niveau des ensembles massifs que sont le lever de rideau ou le fugato de la scène d’auberge ; par contre, les autres séquences ont été dessinées par un maître qui soigne le détail afin de produire divers tableaux de genre, ce qui transparut ensuite dans le célèbre Till Eulenspiegel op.28 dont les facétieuses équipées furent narrées avec une distance ironique de bon aloi.

Louis Schwizgebel © Marco Borggreve
Louis Schwizgebel © Marco Borggreve

Le 19 octobre, le cycle Symphonie a accueilli un invité régulier, l’Orchestre de Chambre de Lausanne, et deux artistes trentenaires, le pianiste genevois Louis Schwizgebel et le Finlandais Santtu-Matias Rouvali qui est actuellement le chef principal de l’Orchestre Philharmonique de Tampere et de celui de Copenhague, après avoir fourbi ses armes comme percussionniste. Face à un ensemble chambriste qui tend de plus en plus à devenir une formation symphonique, sa direction privilégia la sveltesse et l’élégance du phrasé ainsi que la précision du trait, ce que dégagea une Symphonie Classique de Prokofiev pimentée d’une bonne dose d’humour. Par contre, dans la Deuxième de Beethoven, apparut une carence, le flou des attaques, ce dont pâtirent l’Adagio molto initial et le Scherzo ; mais le discours retrouva sa cohérence au moment où un tempo rapide lui fit lâcher la bride, sans pour autant sacrifier la minutie du détail. Et ceci se vérifia aussi dans l’accompagnement du Deuxième Concerto en sol mineur op.22 de Camille Saint-Saëns dont le soliste fut Louis Schwyzgebel au jeu perlé magnifique et à la maîtrise technique indéniable. Néanmoins, son premier mouvement fut trop extérieur car il perçut mal la liaison entre l’exercice de style faux Bach du préambule et le caractère lisztien du développement. Par contre, sa sonorité arachnéenne fit merveille dans la seconde partie en déjouant tous les traquenards d’une virtuosité à effet. Et même si sa Träumerei des Kinderszenen pécha par son peu d’émotion, sa prestation suscita un enthousiasme délirant de la part du public genevois.
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, concerts des 12 et 19 octobre 2016

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