A Paris triomphe Le Songe d'une Nuit d'Eté selon Balanchine 

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George Balanchine en répétition avec Violette Verdy © Martha Swope/TimePix

Depuis le 9 mars, le Ballet de l’Opéra de Paris incorpore à son répertoire Le Songe d’une Nuit d’Eté dans la chorégraphie que George Balanchine avait réglée pour le New York City Ballet et dont la première avait eu lieu au City Center de New York le 17 janvier 1962 dans des décors et éclairages de David Hays et des costumes de Barbara Karinska.

Familier depuis l’enfance de l’univers fantasmagorique qui imprègne la comédie de Shakespeare, le dramaturge en réduit l’intrigue à l’essentiel. Par le subterfuge d’une fleur magique, le nain Puck sème la confusion des sentiments, tant dans le couple féérique Obéron-Titania que chez les humains Héléna-Démétrius, Hermia-Lysandre, Thésée-Hippolyta. Le roi des elfes, outré par le fait que son épouse ne veuille pas lui céder son jeune page indien, la verra, sous l’emprise de la magie, ébaucher un Pas de deux avec le Cavalier sans nom avant de s’éprendre de l’artisan Bottom métamorphosé en âne. Remis à l’ordre par son maître, Puck usera sciemment de quelques gouttes de suc magique pour faire renaître l’amour chez les jeunes gens avant de réunir Hippolyta, reine des Amazones, et Thésée, le duc d’Athènes ainsi que Titania cédant au désir d’Obéron. Toute cette suite de quiproquos qui minimise la présence des artisans répétant leur tragédie constitue un premier acte extrêmement long, alors que le second, débutant par la célèbre Marche nuptiale, n’est qu’un somptueux divertissement célébrant le rétablissement de l’harmonie et de la concorde universelle.
En ce qui concerne la musique, George Balanchine utilise l’ouverture de 1821 et la musique de scène de 1843 dues à la plume du jeune Mendelssohn, tout en incorporant deux mouvements de la Neuvième Symphonie pour cordes et quatre ouvertures dont celle pour Die erste Walpurgisnacht. Sous la direction du chef australien Simon Hewett, l’Orchestre de l’Opéra National de Paris interprète magnifiquement cette suite composite que pimente le Chœur féminin du théâtre imitant le pépiement des elfes ; mais l’intonation précaire et la pauvreté de timbre des deux solistes nous ramènent brutalement sur terre.
Assisté de Camille Dugas, Christian Lacroix, décorateur, conçoit une forêt fantastique où s’entrelacent les branchages sous des lumières suggestives imaginées par Jennifer Tipton ; et ses costumes parent les elfes des mille couleurs des moustiques, les fées de vert tendre, Titania et sa suite de rose vaporeux. Tandis que des cintres descendent de gigantesques tubéreuses, les deux couples arborent pourpoints et velours Renaissance quand Hippolyta s’affiche en Diane chasseresse face à un Thésée grand seigneur et un Obéron souverain du monde nocturne. Puis le tableau du divertissement se déroule devant un pavillon classique au cœur d’une clairière ; entourés des courtisans, les futurs mariés revêtent des tenues d’apparat blanches contrastant avec le bleu limpide des jeunes villageois.
Reprenant la chorégraphie de George Balanchine, Sandra Jennings règle minutieusement l’enchaînement rapide des scènes et réussit à émoustiller l’esprit de la troupe en donnant un caractère spécifique à chacun des danseurs.
Au fil des représentations, la distribution des douze premiers plans change : ainsi l’Obéron de Fabien Révillion affiche une souriante magnanimité quand celui de Paul Marque semble plus retenu. Eleonora Abbagnato confère à Titania l’image de la souveraine incontestée, tandis que Hannah O’Neill lui prête un visage plus radieux. Le Puck d’Antoine Kirscher est davantage garnement espiègle que celui d’Hugo Vigliotti. Florian Magnenet qui a, pour un soir, le port altier de Thésée esquisse, le lendemain, un Pas de deux remarquable avec Marion Barbeau dans le dernier tableau. Par sa technique époustouflante, Alice Renavand marque le personnage d’Hippolyta, ce que l’on dira aussi de Stéphane Bullion dans celui du Cavalier sans nom. Les couples Hermia-Lysandre et Héléna-Demetrius confiés à Laëtitia Pujol, Alessio Carbone, Fanny Gorse et Audric Bezard paraissent plus expressifs que leurs collègues du jour suivant. Mais ce ne sont que détails dans une production qui remporte un triomphe !
Paul-André Demierre
Paris, Opéra Bastille, les 11 et 12 mars 2017

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