Amour Guerre et Bel Canto

par

Gioachino ROSSINI (1792-1868)
Zelmira

Paris version 1826
Alex ESPOSITO Polidoro, Kate ALDRICH Zelmira, Juan Diego FLOREZ Ilo, Gregory KUNDE Antenore, Marianna PIZZOLATO Emma, Mirco PALAZZI Leucippo, Francisco BRITO Eacide, Savio SPERANDIO Gran Sacerdote di Giove, Orchestra e Coro del Teatro Communale di Bologna, direction Roberto ABBADO - Mise en scène Giorgio BARBERIO CORSETTI
2010-live-200' + 25' bonus- LPCM Stereo-DTS Digital 5.1 Surround-16:9- 2DVD- NTSC- Sous-titres en anglais, français, allemand, italien, espagnol-chanté en italien- DECCA 074 3465 DH2

Triomphe de l'amour parfait, triomphe public dès la création à Naples le 16 février 1822 de l'opéra Zelmira de Rossini. Véritable «furore» dira même Stendhal ce qui aménera le compositeur à l'étoffer ou modifier selon les possibilités du lieu lorsqu'il fut donné à Vienne (en avril 1822) et plus encore à Paris (mars 1826) où s'illustrèrent la Pasta et Rubini...
Le livret d'Andrea Tottola, bien construit, offre de larges possibilités au musicien: par la conduite de l'intrigue avec ses airs bien caractérisés et souvent très prégnants; par, aussi, ses allusions historiques: Zelmira venant sauver son père, injustement emprisonné, d'une mort atroce en lui donnant le sein, rappelant ainsi la belle légende romaine de Ciron et Pera -qui sera chantée et représentée (par Simon Vouet, Greuze et Rubens notamment) comme allégorie de la «Charité romaine». Puissante figure féminine qui concentre en elle toutes les vertus – courage, intelligence, fidélité filiale, conjugale et maternelle, don de soi. Allusions politiques également: Polidoro, souverain déchu, a été habilement caché dans la tombe de ses aïeux parmi leurs cendres et va en sortir pour rétablir la continuité généalogique. Comment mieux affirmer que la force générationnelle symbolisée par le flux du lait maternel ranime les cendres et impose sa légitimité aux usurpateurs les plus brutaux? Si ces deux dimensions inhérentes aux codes bel cantistes risquent de n'être pas toujours pleinement comprises d'un public peu au fait de l'histoire romaine et de la vérité substantielle de la filiation (en tous domaines celui de l'art compris!), il n'en constituent pas moins le ferment extrêmement attachant, nécessaire et vivifiant de l’œuvre.
Les représentations de l'Opéra National de Lyon en janvier 1999 (Benini, Kokkos) avaient déjà prouvé la fascination que peut exercer Zelmira dans un contexte assez classique.
Comment eut réagi Rossini face à la mise en scène de Giorgio Corsetti, à Pesaro ? Sa musique est si lumineuse, vibrante, solaire qu'elle semble aux antipodes de la violence sombre et parfois insoutenable de la mise en scène et des costumes (regrettons au passage que la prise de vue laisse aussi visibles les micros!). D'autant que le miroir à 45° démultiplie la scénographie et écrase les protagonistes tel un implacable Fatum. Certes, la brutalité de l'image porte en elle une force vitale indéniable. Pourtant on a souvent envie de détourner le regard et le contraste aurait, peut-être, pu être traité de manière moins morbide?
Beaucoup de choses déjà vues aussi: costumes sinistres de mercenaires de théâtre, comportements de SS, imprécations trop soulignées de Leucippe/Goebbels et Anténor/Hitler avec coups de gueule, saluts, discours sur fond de charniers où palpitent encore vers, membres ensanglantés et agonisants, renouant avec nos plus effroyables souvenirs... comme s'il fallait ressusciter les horreurs de 1917-1945...
Au milieu de ces résurgences, angoisses et abominations, la vaillance de tous les artistes éclate avec d'autant plus d'intensité. Chanteurs et orchestre remarquablement dirigé par Roberto Abbado, font revivre avec un ardent enthousiasme, dans la vérité, la profondeur et la beauté, la partition de Rossini: Gregory Kunde, Antenore bravache et ondoyant; Mirco Palazzi vrai politicard veule et roublard; Alex Esposito à la fois ravagé et tenace. Juan Diego Flores dans la plénitude d'une vocalité superbe, homogène, suprêmement galbée incarne un Ilo lumineux à la fois sincère et généreux, porté aux nues dès son premier air...
Côté dames: on citera la belle prestation de Marianna Pizzolato, émouvante Emma , au mezzo plein, sobre et tous ses airs «en situation». Et pour terminer, l'admirable Kate Aldrich dont la voix particulière, le phrasé, la tension, l'humanité, la vérité intrinsèque confère à ce drame une indicible beauté.
Quand l'écriture belcantiste atteint le sommet de sa puissance expressive!
Bénédicte Palaux Simonnet

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