Andras Schiff : la vision d’un architecte

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Le pianiste hongrois, Andras Schiff, interpréta au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, les Suites anglaises de J.-S. Bach. Ce récital fut au préalable introduit par une intéressante présentation de Benoît Jacquemin.
Jouer Bach de mémoire, et en l’occurrence sur la durée complète d’un récital, est très souvent une épreuve redoutée des pianistes tant les partitions exigent de l’interprète une extrême maîtrise, une irréprochable concentration ainsi qu’une profonde connaissance du style du compositeur. Disons le, Andras Schiff a offert au public une magnifique prestation, d’une totale visée architecturale, épousant la structure propre du langage polyphonique de J.-S. Bach.
Il a abordé les Suites anglaises avec une articulation épurée, oscillant entre le détaché et le lié. Les danses sont majoritairement construites en deux volets, dont le second volet est une reprise du premier dans une autre tonalité. Le pianiste hongrois a différencié avec naturel le second volet et c’est justement tout l’art de l’interprète de toujours renouveler la répétition : une séquence déjà entendue apparaît nouvellement lors de sa redite. Par une intelligente conduite apportée à chaque élément, du plus anodin au plus essentiel, il a rendu un véritable hommage au génie de J.-S. Bach. Sous ses doigts, chaque parcelle avait un sens précis et une présence juste : qu’il s’agisse d’un soutien harmonique, d’une formule d’accompagnement, d’un thème secondaire ou d’un thème principal, Schiff a insufflé à tout instant le subtil équilibre au sein de la polyphonie ambiante. Il a parcouru chacune des danses en fouillant les divers caractères : de l’envergure des préludes aux expressives sarabandes du fait de leur simplicité mélodique. Les galanteries telles les bourrées, gavottes, menuets, passepieds rappelaient l’influence française, sans emphase et sans retenue. De même, les gigues, dont celle de la dernière suite, est une grande pièce virtuose, clôturaient superbement les Suites anglaises, sans jamais tomber dans cet écueil d’un pianisme trop véhément où l’interprète prendrait davantage de place. A la fin du concert, le pianiste rencontra un franc succès, si bien qu’une partie du public se leva lors des applaudissements. En guise de bis, il joua le célèbre Concerto italien de J.-S. Bach, une œuvre qui se rapprochait fortement du programme du concert, tant par l’esprit que par l’écriture.
Andras Schiff a livré à Bruxelles un splendide récital, faisant preuve d’une extrême maîtrise comme d’une connaissance aigue de l’œuvre, tout en conservant pendant la soirée sa juste place d’interprète face au répertoire de J.-S. Bach : celle d’une intense présence.
Marie-Sophie Mosnier
Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le 8 décembre 2013

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