Anniversaire Richard Strauss à l’ONL

par

Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°2, en ré majeur
Robert Schumann (1810-1856) : Konzertstück pour 4 cors et orchestre en fa majeur
Richard Strauss (1864-1949) : Till Eulenspiegel
Soirée honorable à l’Orchestre National de Lille pour la première soirée anniversaire consacrée à Richard Strauss. Débutant par la 2ème Symphonie de Beethoven, le chef, Roberto Minczuk, démontre une maîtrise évidente de la forme. Œuvre redoutable, l’exposition du premier mouvement semble tendue. Davantage à l’aise lors de la reprise, un jeu de contrastes saisissant entre l’introduction et la partie rapide est proposé. Dans un climat légèrement agité, le rapport cordes/vents démontre la qualité d’écoute des musiciens. Bien que techniquement irréprochable, les timbales dépassent de peu la masse sonore de l’orchestre. Le développement marquera l’auditeur par la compréhension des lignes musicales et de l’harmonie. Symphonie difficile et peu souvent jouée, elle entame déjà le travail qu’effectuera Beethoven sur sa 8ème Symphonie. Plonger dans les nuances fortes est une facilité dans laquelle Minzcuk ne rentre pas. Lyrique et construit, le second mouvement apporte calme et sérénité. Dirigeant sans baguette, Minczuk développe des plans sonores à l’effigie des plus grands chefs tandis que les archets sont conduits à la perfection par le violon solo, Fernand Iaciu. Musicalement impliqué, Minczuk offre un troisième mouvement, le scherzo, dynamique et dansant. Seuls les arrêts entre chaque parties semblent trop longs, l’enchaînement étant requis ici. Le menuet est charmant et les nuances fortes des tuttis de cordes sont robustes. Le dernier mouvement, sorte de grande tirade démoniaque, semble facile pour l’orchestre. Des traits de virtuosité précis face à des phrases davantage lyriques. Minzcuk déborde d’énergie et transmet sa passion avec facilité aux musiciens attentifs. Bon tempo (allegro molto) et précision des dynamiques remarquables, notamment aux cordes.
Arrive ensuite une lecture estimable du Konzertstück pour 4 cors et orchestre de Schumann par 4 cornistes de l’orchestre. Techniquement difficile, les solistes ne démontrent aucune difficulté dans la partition qui demande une concentration extraordinaire vu la tessiture de certaines notes. C’est d’ailleurs grâce aux innovations des facteurs, Schölzel et Blühmel en 1814, le cor à pistons remplaça le cor naturel, permettant, grâce à l’étendue de l’instrument, de jouer toutes les tonalités. Bon dialogue avec l’orchestre, plans sonores contrôlés. Le chef laisse de la liberté aux solistes, offrant ainsi des contours mélodiques intéressants. En bis, une pièce courte est offerte par le quatuor, sans doute de Pascal Proust, permettant de cerner une fois de plus la qualité des cuivres de l’ONL. L’exécution de l’œuvre faisait écho au Festicor, pour lequel un ensemble de cors s’est déplacé au Nouveau Siècle, où, en guise d’introduction au concert, une lecture de plusieurs pièces s’est donnée.
Le concert se termine par une lecture impressionnante du poème symphonique de Richard Strauss, Till Eulenspiegel. L’histoire du livret retrace les espiègleries de Till, notamment par l’intervention d’instruments évocateurs : clarinette en ré pour le second thème, celui de l’espièglerie et le cor pour le motif de Till. L’orchestration imaginée par Strauss développe à la perfection les différents contours du récit, interprétés avec justesse ce soir. Caractérisé principalement par le travail des couleurs et du timbre, l’orchestre et son chef invité n’hésitent pas à exagérer certaines nuances pour présenter les péripéties et drôleries de Till, ce personnage fantasque. Les tutti orchestraux sont impressionnants, les percussions, d’une précision à toute épreuve. Les rares solos du violon sont charmants avec des coups d’archets précis. Les images dansantes et rythmiquement instables, qui pourraient vite tomber dans la caricature, sont finement exécutées alors que les phrases « romantiques » sont jouées avec expressivité par les cordes.
Concert réussi donc même si Strauss n’a fait que ponctuer la fin de soirée (15 minutes). Pour un anniversaire, un programme plus conséquent aurait été apprécié, notamment avec d’autres poèmes symphoniques ou tout simplement le Concerto pour cor, pièce magnifique. Finalement, c’est Beethoven qui domine le programme. Mais les musiciens n’ont pas à rougir, entre autre devant leur directeur musical, Jean-Claude Casadesus, présent ce soir.
Ayrton Desimpelaere
Nouveau-Siècle, le 09 novembre 2013

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