Archives wagnériennes de l'Opéra de Dresde

par

0126_JOKERRichard WAGNER
(1813-1883)
Extraits de Rienzi, Der fliegende Holländer, Tannhäuser, Lohengrin, Siegfried et Parsifal

Solistes divers, Orchestre de la Staatskapelle de Dresde, dir.: Joseph KEILBERTH, Rudolf KEMPE, Gerhard PFLÜGER, etc.
1945 à 1956-ADD-73'39, 49'14 et 78'28-Textes de présentation en anglais et allemand-Profil Günter Hänssler PH11044 (3 cd)
« Wagner again? » Tel est le titre, légèrement provocateur, de ce nouvel album de la collection que le label Profil dédie à l'histoire enregistrée de l'opéra de Dresde dans les années d'après guerre. A nouveau Wagner donc. Il est vrai que les oeuvres du compositeur de Lohengrin sont restées de loin les plus jouées sur les scènes allemandes après 1945 et le disque, tout naturellement, s'est fait le reflet de cette prédominance. Ce nouvel album nous propose une série de gravures, pour la plupart très rares ou inédites, réalisées à Dresde ou Leipzig entre 1945 et 1956. Le premier volume s'ouvre sur l'ouverture des Meistersinger par Joseph Keilberth en 1948, le seul témoignage wagnérien connu de ce chef à Dresde. A vrai dire, le résultat est plutôt décevant: lourd et décousu. Mais le grand héros de cette anthologie est sans conteste Bernd Aldenhoff, authentique Heldentenor qui sera vite appelé à Bayreuth pour y revêtir les hardes d'un Siegfried de très grande allure et qui, ici, se paie la part du lion. On l'entend en effet dans huit extraits de Tannhäuser, Lohengrin, Siegfried, Die Meistersinger et Rienzi. Partout la même vaillance, la même assurance, une projection parfaite, un peu sombre, un voile un peu trouble dans la voix, un souffle d'une puissance rarement égalée qui jamais ne le pousse au cri. Et, surtout, un art consommé de la diction et une articulation qui rappelle le grand Max Lorenz. Autre grand nom au générique de ce passionnant parcours: Christel Goltz, que l'on connaît surtout pour ses géniales incarnations des héroïnes maudites de Richard Strauss, Salomé en tête, et que l'on entend ici, impressionnante, dans une étonnante Isolde, presque vériste de style, ainsi que dans Tannhäuser où elle donne la réplique à Aldenhoff. Hans Hopf est relativement connu des mélomanes puisqu'il participa à certains enregistrements de studio chez Emi. Mais ceux-ci le captèrent fort tard dans sa carrière et ne donnent pas pleinement justice à une voix qui s'était alors épaissie et avait perdu de sa souplesse. Dans les deux trop courts extraits de Lohengrin où on l'entend ici, nous sommes en 1945: la voix est juvénile, claire, insolente, toute en retenue; on accourrait aujourd'hui pour l'entendre. Et que dire de Karl Paul, autre grand oublié? Son Wolfram (Wie Todesahnung) est tout simplement magnifique d'intonation, de diction, d'expression. Que dire aussi de cette Emilie Walter-Sacks, une complète inconnue à notre connaissance, qui campe une Mary (Der fliegende Holländer) simplement fabuleuse? Ou, plus encore, de cette grande demi-heure extraite d'une représentation de Tannhäuser où les protagonistes ne sont plus connus que d'une poignée de connaisseurs? Qui, en effet, se souvient encore des sopranos Dora Zchille et Brünnhild Friedland (laquelle, du moins, eut la chance de réaliser quelques rares disques officiels), du ténor Ernst Gruber, du baryton Kurt Rehm, de la basse Hans Krämer? Pourtant, menés par la baguette extraordinairement vivante de Gerhard Pflüger – tiens, encore un grand oublié – ils nous donnent une vraie leçon de chant et de modestie, où l'esprit de troupe prime sur la performance individuelle sans pour autant nuire à l'excellence de la prestation. Il y aurait beaucoup de merveilles à dire encore sur cette véritable caverne d'Ali Baba musicale. Ajoutons seulement que plusieurs des extraits que nous y entendons sont dirigés par un certain Rudolf Kempe, tout jeune encore, d'une classe que les années et la célébrité confirmeront à satiété. On reste rêveur à l'idée que ces trésors, si bien chantés et captés aient pu l'être dans un pays en ruines, sans guère de moyens financiers, sans battage médiatique, sans le moindre luxe. Pourquoi notre époque, aux ressources bien plus confortables malgré la crise, peine-t-elle tant à reproduire ce genre de miracle?
Bernard Postiau
Son 8 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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