Bach à la rhétorique expressive. Trop?

par

Johann Sebastian BACH (1685-1750)
Concerto pour deux violons en ré mineur BWV 1043-Concerto pour violon en Mi Majeur BWV 1042-Concerto pour violon BWV 1041-Concerto pour trois violons en Ré Majeur BWV 1064R

Freiburger Barockorchester, solistes et direction Petra Müllejans et Gottfried von der Goltz + Anna Katharina Schreiber 3e violon
2013-DDD-60'41 »-Textes de présentation et présentation des solistes en français, anglais, allemand-Harmonia Mundi HMC 902145

Jean-Sébastien Bach a laissé beaucoup plus d'oeuvres pour orchestre que celles que nous connaissons aujourd'hui. Oubliées dès la mort du Cantor, beaucoup se sont égarées pour ne réapparaître timidement qu'à partir du 19e siècle. Il faut dire qu'à l'époque, l'acte compositionnel n'avait pas la valeur sacrée qu'il a aujourd'hui -et c'est d'ailleurs assez paradoxal ! Beaucoup de concertos de Bach étaient composés selon les besoins de son enseignement ou des concerts de la cour et le compositeur n'hésitait pas à adapter au clavier des oeuvres pour cordes, instruments qu'il connaissait bien puisque l'on sait qu'il jouait à la fois du violon, de l'alto, et peut-être même du violoncelle. Ironie du sort, on ne connaissait jusqu'il y a peu que la version pour trois clavecins du concerto initialement composé pour trois violons. Et c'est bien un mérite de ce CD d'ajouter aux concertos bien connus (surtout le BWV 1043 pour deux violons) la version initiale du BWV 1064. Le Concerto pour violon BWV 1042 fut composé à Cöthen où la cour disposait d'un orchestre de premier plan dont il pouvait exiger des raffinements sonores et une partie soliste habilement ciselée. Les trois autres concertos semblent avoir été composés à Leipzig à l'intention du Collegium Musicum, un orchestre d'étudiants qui, une fois par semaine, donnait un concert, en plein air l'été, dans l'arrière-salle du Café Zimmermann l'hiver. Au programme : une Ouverture à la française suivie d'un concerto « à la manière italienne » puisque le genre était né là, bénéficiant de l'art des meilleurs luthiers.
Plusieurs options ont cours dans l'interprétation de ces concertos : instruments anciens (la magnifique version des concertos pour deux et trois violons de Rachel Podger parue récemment chez Channel Classics), instruments modernes (la version proposée il y a une dizaine d'années par Isabelle Faust, Sandrine Cantoreggi et Christophe Poppen), vision orchestrale (plusieurs instruments par pupitre), vision non orchestrale (un instrument par pupitre). Le Freiburger Barockorchester a opté pour une vision orchestrale sur instruments anciens, le choix le plus courant. On est séduits par l'élan au départ du Vivace du BWV 1043, l'imagination sonore et l'investissement musical qui sautent à la gorge. Mais petit à petit on se lasse de tant de démonstrativité -avecles mouvements lents qui pleurent- une rhétorique qui frise la caricature, des nuances qui s'entrechoquent, un orchestre trop souvent massif, des solistes trop différenciés. Von der Goltz nous avait habitués à plus de raffinement. Curieux !
Bernadette Beyne
Son 9 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 6

 

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