Belle soirée brucknérienne à la Monnaie

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L’Orchestre symphonique de la Monnaie ne manque certainement pas de qualités, mais on ne peut lui reprocher de n’être guère familier des oeuvres d’Anton Bruckner, compositeur qui n’a d’ailleurs toujours pas la place qui lui revient dans la programmation de nos formations symphoniques.

Aussi, quelle bonne idée d’avoir invité à se produire à sa tête, dans un programme exclusivement consacré au maître de Linz, l’excellent Hartmut Haenchen, un chef pour qui non seulement le répertoire du romantisme tardif allemand n’a pas de secrets, mais qui se met invariablement au service de la musique plutôt que de l’utiliser pour se mettre lui-même en valeur (et dans un répertoire comme celui-ci, les tentations sont nombreuses).

L’invité du jour et l’orchestre ouvrirent la soirée par l’une des symphonies les plus rares au concert de Bruckner, la Deuxième. Pour ceux qui s’intéressent à l’oeuvre de Bruckner, on sait à quel point la question des éditions retenues peut devenir un véritable casse-tête. Dans le programme, le chef expliquait avec force arguments qu’il avait entrepris, moyennant de patientes recherches sur les sources, d’en revenir à la version (non encore publiée) telle que jouée lors de la première de l’oeuvre en 1873.

Dès le premier mouvement, on put apprécier la calme maîtrise de Haenchen, sa façon de patiemment construire son interprétation, obtenant de belles sonorités d’un orchestre impliqué et volontaire qui allait se montrer particulièrement convaincant dans l’Adagio -véritable coeur de l’oeuvre- en faisant preuve de chaleur et de lyrisme (avec mention spéciale pour les cors et les trompettes à l’allemande). Le Bruckner de Haenchen n’est ni grandiose ni brutal, mais simplement humain, comme allait le montrer la grâce avec laquelle, dans le Scherzo,  il traitait les épisodes dansants. On saluera enfin la très belle qualité de son travail thématique dans un Finale animé par un irréprochable sentiment de logique et de continuité dans une musique qui, sous d’autres baguettes, peut parfois paraître décousue.

Quelle bonne idée aussi d’avoir fait appel aux Choeurs de la maison d’opéra bruxelloise (renforcés par des membres de l’Académie des Choeurs de la Monnaie et le Choeur Octopus), dans un magnifique et enthousiasmant Te Deum de Bruckner, dirigé avec allant et autorité par un Haenchen qui n’abordait pas l’oeuvre comme un grand machin orchestral et choral destiné à faire un maximum d’effet, mais réussissait à toujours à mettre en avant le lyrisme omniprésent et la ferveur du Bruckner catholique. Splendide prestation de l’orchestre (cuivres souverains, konzertmeister délicat, organiste excellent), des choeurs et des solistes, surtout le vaillant ténor Nicky Spence et l’exquise soprano Tineke van Ingelgem (à qui Bruckner avait destiné les parties les plus exigeantes), même si leurs collègues Natascha Petrinsky (alto) et Alexander Vasiliev (basse) firent très bien ce qui était demandé d’eux.

Accueil chaleureux d’une salle enthousiaste et bien remplie.

Patrice Lieberman

Bruxelles, la Monnaie, le 14 octobre 2018

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