Bon anniversaire Mr. Wagner !

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Il est né il y a 200 ans. Il est mort il y a 130 ans. Des hectolitres d'encre ont coulé depuis. A l'occasion de son anniversaire, nous avons choisi de lui lancer un petit clin d'oeil témoin de sa perennité. Vous souvenez-vous du Trésor de Fiskary de Willy Vandersteen, une aventure de Bob et Bobette? Jean-Marie André y a rencontré un pastiche des deux derniers opéras de La Trétralogie.

Le Trésor de Fiscary est un des premiers volumes de la célèbre série des "Bob et Bobette". Dessiné en 1951, il est, en effet, coulé sur le moule de l'intrigue de Siegfried en empruntant la scène de la mort de Siegfried dans le Crépuscule des dieux.

Le dessinateur Willy Vandersteen a été qualifié, avec raison, de Bruegel de la bande dessinée. On se rappelle les premiers albums des années '50 dotés d'une couverture rouge vif classique, avec un dessin central en quatre couleurs.

Les pages intérieures étaient imprimées à l'encre bleue ou brune sur du papier à la fibre de bois. Ce fut le cas du premier volume, Lambique, chercheur d'or, La Princesse enchantée et Lambiorix, roi des Eburons. Dès l'album suivant, Le dompteur de taureaux, le contenu était enrichi d'une couleur supplémentaire. Chaque page était imprimée avec un mélange de rouge et de bleu qui donne un aspect unique à ces précieuses pièces de collection. La quadrichromie prendra ensuite une place partielle à partir de l'aigrefin d'acier où elle alternera avec des pages bleues – ou bleues et bistres - comme dans les première éditions avant de s'imposer définitivement.

Dans Le Trésor de Fiskary, Vandersteen s'inspire de la mythologie germanique : les héros du "Niebelungen" deviennent les acteurs d'une épopée fantastique et pimentée d'une bonne dose d'humour. Il en résulte une parodie délirante de la fameuse Tétralogie de Wagner. Après seize pages d'un prologue qui n'a rien à voir avec la réalisation wagnérienne, nos héros arrivent à la ville de Xanten, sur le Rhin, en 1100. C'est à ce moment-là que Vandersteen débute sa parodie de la légende de l'enfant disparu qui reviendrait en tueur de dragon. Qu'on n'en retienne que la transformation des noms : Lambique sera Siegfried et sera dénommé Biquefried, Sidonie sera Brünnhilde sous le nom de Sidonhilde et Mime deviendra Nèfle, le nain, le forgeron de la montagne. L'épée Nothung, elle, deviendra dans l'album l'épée Balming. C'est elle qui tuera le dragon des brumes, Guérekler. En lieu et place de Fafner, le survivant des géants changé par Wagner en dragon dans l'opéra, Vandersteen inventera Fafnir à la tête de sa tribu de nains. Tous les ingrédients de Siegfried sont là. Un bel exemple est donné par ces trois cases de l'épisode de la forge :

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Vandersteen ne peut oublier l'oiseau dont le thème pentatonique souligne les péripéties des deuxième et troisième actes du Siegfried qui, après la célèbre scène des murmures de la forêt -un des extraits symphoniques de l'opéra, souvent joué seul- va mener au combat avec le dragon et permettre à Siegfried de continuer sa quête de l'amour humain :

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Le dessinateur ne pouvait pas non plus manquer d'utiliser une partie de l'intrigue du Crépuscule des Dieux. Lambique-Biquefried est abattu dans le dos, comme Siegfried l'a été par Hagen. Les funérailles de Biquefried évoquent la procession de Siegfried sur le Rhin :

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La trame de la tétralogie n'empêche pas de belles trouvailles humoristiques comme Bobard, le cheval prodige à six pattes. L'Or du Rhin devient le Trésor de Fiskary avec l'humour que Vandersteen met souvent dans la bouche de Lambique : "Ici, les gens payent leurs impôts avec plaisir car c'est pour le trésor de Fiskary". Le jeu de mot est évident.
Tout au long de l' album, les décors sont détaillés avec raffinement. De l'avant à l'arrière-plan des images, les traits sont nets, les objets sont reproduits méticuleusement et les compositions en acquièrent une réelle consistance. Admirez cette remarquable contre-plongée, rarement utilisée dans la bande dessinée en 1950 :

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Dans cette illustration, remarquez que l'impression de la version flamande est en bistre (première époque) tandis que la version française est déjà de la seconde période. Certains sont exceptionnellement doués pour le dessin. D'autres se révèlent des conteurs d'une intarissable imagination. Extrêmement rares sont ceux qui conjuguent ces qualités. Ce fut le cas de cet artiste qu'était Willy Vandersteen mort en 1990 à 77 ans.

Jean-Marie André

N.B.: Pour mieux connaître Willy Vandersteen et ses multiples créations de Bob et Bobette à Bessy, un ouvrage de qualité est indispensable : Peter Van Hooydonck, Willy Vandersteen, le Bruegel de la bande dessinée, Editions Standaard (1994).

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