Bonnes gens, tous à Lausanne pour AMAHL !  

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La plupart des théâtres lyriques d’aujourd’hui affichent un souverain mépris à l’égard de la production de Giancarlo Menotti. Mais depuis le début de son mandat à la tête de l’Opéra de Lausanne, Eric Vigié a présenté sa propre mise en scène d’Amelia al ballo et de The Telephone ; et aujourd’hui, il récidive en affichant en une judicieuse traduction française Amahl and the Night Visitors (Amahl et les Visiteurs du soir), une commande de la NBC diffusée par la télévision le 24 décembre 1951 sous la direction musicale d’un Thomas Schippers âgé de vingt-et-un ans.

Pour narrer l’histoire d’Amahl, le petit berger estropié, et de sa pauvre mère, ébahis de voir les Rois mages frapper à leur porte, Gérard Demierre et son décorateur et costumier, Sébastien Guenot, conçoivent un spectacle d’une extrême sobriété, éclairé magnifiquement par Denis Foucart : côté jardin, une misérable cahute en bois est entourée de palissades formant à leur extrémité un point d’observation qui surplombe un chemin en pente et un terre-plein où se faufileront un jeune danseur (Jayson Maridor) et quelques pastoureaux munis de provisions. Notre régisseur s’attendrit sur Amahl, morigéné par une mère qui finira par se radoucir lorsque son fils, prêt à aller mendier avec elle, évoquera si poétiquement le firmament ; et il ironisera sur l’effroi que suscite l’apparition ô combien mystérieuse des trois visiteurs et sur la tentative de larcin d’une malheureuse convoitant l’or que lui octroiera finalement le magnanime Melchior. Et c’est un rayon de l’Etoile de Bethléem qui guérira l’infirme, tout décidé à accompagner les voyageurs afin d’offrir sa béquille au nouveau-né.
Quant à la partition, elle est magnifiquement mise en valeur par la baguette d’Hervé Klopfenstein qui tire un coloris limpide des jeunes forces de l’Orchestre de l’HEMU (Haute Ecole de Musique et Conservatoire de Lausanne), de sa Maîtrise et de celle du Conservatoire, toutes remarquablement préparées.
Et c’est du reste de ses rangs que provient l’Amahl de Nicolas Sanchez-Vignaux qui, du haut de ses quatorze ans, toise avec un rare aplomb et un naturel confondant ces sages étrangers venus de mondes lointains. Marina Viotti est tout aussi convaincante dans son incarnation de la Mère dont le timbre chaleureux laisse filtrer tant l’apparente sévérité que la honte d’un geste malencontreux que réparera sa grandeur d’âme. D’une irrésistible cocasserie, le trio des rois avec le Gaspard dur d’oreille d’Aurélien Reymond-Moret, le Melchior généreux de Joël Terrin et le Balthazar si pondéré de Joé Bertili. Et Cosimo Sabatella qui a élaboré l’intermède chorégraphique exhibe l’assurance du page de confiance qui surveille tout. Au rideau final, le public composé surtout d’enfants silencieux, totalement médusés par ce beau conte de Noël, laisse éclater une joie que partagent parents et cheveux blancs.
Paul-André Demierre
Lausanne, Opéra, première du 8 novembre 2017

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