Bouquet de livres sous le sapin !

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Comme chaque année, le mois de décembre est celui de tant de perplexités : les cadeaux à dénicher, "sur mesure", personnalisés, originaux, intéressants... et pas trop chers ! Nous vous proposons ici quelques ouvrages parus récemment et qui ne manqueront pas de combler les uns et les autres.

Orgies et Bacchanales
Triomphe de l'excès
par Jean-Noël von der Weid
Ce livre nous initie aux bacchanales, ces fêtes scandaleuses et subversives où se concentrent les excès de Bacchus et de Dionysos, dieux antiques, terriblement actuels. De plus, il donne chair à l’orgie, radieuse soûlée des sens, qui non seulement conjure le destin, remet en question l’ordre social, mais s’affirme comme une sagesse inimaginée. Par sa composition fuguée, où s’entrecroisent les musiciens et les peintres, mais aussi les écrivains, les cinéastes, les philosophes, ce livre désenclave les arts et les techniques, nous assure ainsi, grâce à des oreilles nouvelles, grâce à des yeux nouveaux, une connaissance plus haute et une perception plus vive des évidences trompeuses de Bacchus et des brûlantes ambiguïtés de Dionysos. Traversant le temps, nous vivons l’exubérance despotique de ces divinités, pour en partager le long cheminement : de l’Antiquité au XXIe siècle, dans l’Histoire (les mythes et les rites, les légendes, les religions), et les histoires (les coutumes, privées ou publiques, les courants esthétiques, les rêves, l’inconnu). Chaque œuvre, chaque bacchanale commentée au fil de ces pages dévoilera un ordre mystérieux entre l’espace blagueur de Bacchus et celui, sauvage, insolent et sexuel de Dionysos.
2014, Berg International Editeurs, 223 pages, 19 €


TubeufPortraits de musiciens
par André Tubeuf
Plus qu'octogénaires, André Tubeuf a connu de nombreux interprètes, et surtout, il les aime ! Les "Grands Anciens", tel Rubinstein, il les a connus, interrogés, et nous les montre vus de pr§s, en témoin et en ami. Ceux qui font carrière aujourd'hui, tel Jonas Kaufmann, il a de suite saisi ce qu'ils allaient apporter de neuf. Quant aux "ancêtres", depuis Caruso, il a vécu avec leurs enregistrements et les présente, les raconte comme s'ils étaient encore vivants. Quand tant d'interprètes ne sont que des noms sur de pochettes de disques, André Tubeuf nous dessine leur caractère, retrace leur carrière, leurs combats, et on croit entendre le timbre de leurs voix. Informé, il l'est plus que quiconque. Mais quelque chose de plus rare parle chez lui : la sympathie.
2014, Editions Actes Sud, 558 pages, 25 €

Habanera

La Habanera de Carmen
par Hervé Lacombe et Christine Rodriguez

"L’amour est enfant de Bohème" : sur ces mots, tout le monde peut fredonner l’air le plus célèbre de l’opéra le plus joué au monde : Carmen. D’où vient cette musique – une habanera ? Pourquoi ce succès, de Bizet à Stromae ? Pourquoi cet air – que se sont approprié les chanteurs de variétés européens, américains et même asiatiques, le rock underground, le cinéma, nombre de séries télévisées américaines, maintes publicités – fascine-t-il depuis cent quarante ans un public bien plus vaste que celui qui se passionne pour l’art lyrique ? C’est à la naissance et à la renaissance perpétuelle de ce véritable tube que nous convient Hervé Lacombe et Christine Rodriguez. Du sujet (emprunté à Mérimée) au texte (qui a plus d’auteurs que l’on croit), du compositeur à l’interprète, de Cuba à Paris, ils explorent les origines et les territoires du chant de la bohémienne, éclairent la manière dont Bizet met en scène sentiment et fatalité. Le voyage, le nomadisme, la danse ont à voir avec la leçon amoureuse de Carmen. La puissance fantasmatique de sa scène d’entrée, saisie au milieu des cigarières, des soldats et de la foule admirative, touche chacun d’entre nous. Bizet a imposé un mythe et fixé l’image d’un corps scandaleux dont la Habanera est l’emblème. Hervé Lacombe est l’auteur des biographies de Bizet et de Poulenc, d’une étude sur l’opéra français au XIXe siècle et d’un essai sur la mondialisation de l’opéra au XXe siècle (Fayard). Christine Rodriguez est l’auteur de Les Passions, Du récit à l'opéra : rhétorique de la transposition dans Carmen, Mireille, Manon (Classiques Garnier).
2014, Paris, Editions Fayard, 223 pages, 17 €

FournierBernard Fournier
Panorama du quatuor à cordes
Après avoir donné une somme sur le quatuor en quatre volumes, Bernard Fournier en propose ici une synthèse destinée à faire découvrir ce genre à un large public. Ce livre parcourt l’histoire du quatuor depuis ses origines, au milieu du XVIIIe siècle, jusqu’à nos jours. Il insiste particulièrement sur les périodes charnières de son évolution, scandées en grands moments (la naissance du genre à l’âge classique, son apogée avec Beethoven, son renouveau au début du XXe siècle, sa mutation à partir des années 1950) et met en valeur les principaux chefs-d’œuvre du répertoire. Ainsi, au fil de l’histoire, en plus des quatuors cités ou rapidement caractérisés, un grand nombre d’entre eux sont commentés de manière plus substantielle : l’objectif est de fournir au lecteur-auditeur des clefs d’écoute, de suggérer le contenu expressif des œuvres, tout en mettant en évidence certains de leurs aspects formels et esthétiques. Si toutes les œuvres mentionnées sont définies en relation avec les styles et les courants musicaux, elles sont situées également en rapport avec les mouvements des idées de la période qui les a vus naître. Histoire du quatuor, ce livre est également une traversée de l’histoire de la musique occidentale, vue sous l’angle d’un genre exigeant, continûment pratiqué et prisé. Ingénieur de formation, violoniste-quartettiste, Bernard Fournier est l’auteur de L’Esthétique du quatuor à cordes et de trois volumes d’Histoire du quatuor à cordes (Fayard, 1999, 2000, 2004, 2010).
2014, Paris, Editions Fayard, 327 pages, 22 €

WagnerUn patient nommé Wagner
par Pascal Bouteldja
Un patient nommé Wagner est la première chronique médicale complète de la vie du compositeur, fondée sur un grand nombre de sources inédites en français. Loin du rapport médical et de son inévitable jargon, l’ouvrage propose un récit de la vie de l’artiste à la lumière de ses maux. La notion de « santé » envisage ici l’homme dans sa globalité physique et psychique, ainsi que dans son quotidien. L’anecdote est mise au service du portrait vivant d’un « patient » qui n’hésitait pas à dire de lui-même avec humour : "L’auteur de Lohengrin et Tristan est difficile à soigner". Confronté aux tâtonnements de la médecine de son temps, Wagner se soigna le plus souvent avec excès en se soumettant à des cures hydrothérapiques et des régimes draconiens, recherchant toujours des médecins ou autres thérapeutes en marge de la communauté scientifique de l’époque, prêts à écouter ses plaintes diverses et multiples, à s’occuper de lui avec sollicitude et capables de comprendre la nature essentiellement psychosomatique de la plupart de ses ennuis de santé. Jusqu’à sa mort des suites d’un infarctus du myocarde, notre « patient » eut une santé plutôt robuste, mais la maladie, sous des formes variées et souvent banales, lui fut assez familière tout au long de sa vie pour être un facteur de perturbation chronique, sans que ses facultés créatrices en fussent altérées. Cet ouvrage constitue une mine d’informations sur la relation d’un créateur à son corps, les pratiques, traitements et discours de l’époque relativement aux aspects physiques, physiologiques, prépsychanalytiques, et plus précisément sur les rapports à la médecine et au corps du génie -toujours sacralisé- auquel nous semblons aujourd’hui encore refuser contingence et quotidienneté.
2014, Lyon, Editions Symétries, 314 pages, 40 €

VrinErnest Van Dyck et Jules Massenet
Un interprète au service d'un compositeur
par Jean-Christophe Branger et Malou Haine L'ouvrage rassemble de nombreux documents concernant Jules Massenet et le ténor belge Ernest Van Dyck, éminent interprète wagnérien, mais aussi créateur du rôle-titre de Werther en 1892. La relation entre ces deux artistes reste en effet singulière dans l'histoire de la musique car, outre son interprétation des rôles de Des Grieux (Manon) ou d'Araquil (La Navarraise), le ténor fournit au compositeur le livret d'un ballet, Le Carillon, créé quelques jours après Werther. De nombreuses sources méconnues, annotées et précédées d'une introduction, retracent cette collaboration entre Massenet et son interprète qui s'étend entre 1890 et 1913 : correspondances, transscription annotée du livret du Carillon et souvenirs dans lesquels le ténor évoque ses relations avec Massenet. L'ensemble enrichit la connaissance concernant un compositeur et un des interprètes majeurs de l'époque, mais permet aussi de cerner les rouages d'une collaboration entre un compositeur, ses collaborateurs -librettistes ou chanteurs- et de nombreux directeurs de théâtre au tournant des XIX et XXe siècles. L'ouvrage est abondamment illustré de documents d'époque : portraits, partitions, dédicaces,Van Dyck et autres artistes lyriques dans leurs costumes de scènes.
2014, Editions Vrin, Collection Musicologies, 172 pages, 30 €

JanacekJanacek en France
de l'indifférence à la reconnaissance
La réception française de la musique de Janacek par Joseph Colomb
Le tribunal de l'Histoire peut-il se tromper provisoirement ? Si, dix ans après sa disparition, contrairement à l'Allemagne, on ne reconnut en France à Janacek ni ses mérites, ni son apport, devait-on l'ignorer définitivement? Le temps a fait son  oeuvre -pensait-on- il a effectué le tri entre les génies et les faiseurs. Romain Rolland, cependant, dans un courrier privé écrivait, dès 1924: "Janacek est un grand musicien dramatique [...] Je ne vois personne à lui comparer dans ce domaine en Europe actuelle". Opinion que reprit Jean Mistler en 1954: "Janacek est un des plus grands musiciens modernes et sa Jenufa [...] est un des drames lyriques les plus puissants qui aient paru depuis un siècle". Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour reconnaître cette évidence ressentie par seulement quelques musicologues? Pourtant, sans appuis efficace et prononcé d'écrivains, d'artistes et d'autres peronnalités influentes en France, après avoir parcouru peu à peu un chemin dans le coeur des mélomanes, ce qu'on pensait pour bizarrerie ou exotisme ou encore naïveté se révèla une musique moderne exigeante, originale et forte et d'une beauté sidérante dès qu'on voulut bien l'entendre. Cet ouvrage essaie de comprendre pourquoi, en France, on a ignoré si longtemps la musique de Janacek en tentant d'analyser les forces qui l'ont rejetée et d'un autre côté l'action de tous ceux, musicologues et musiciens, qui l'on soutenue.
2014, Editions de l'Ile bleue, 564 pages, 35 €

Christine de SuèdeChristine de Suède et la musique
par Philippe Beaussant
Christine de Suède est l’un des personnages les plus surprenants de tout le XVIIe siècle, qui n’en manque pas. Reine à six ans, elle abdique à vingt-quatre, se convertit au catholicisme, se fixe à Rome. Elle n’a cessé, en toutes circonstances, dans sa vie trépidante de jeune reine puis de reine sans royaume, puis dans son rôle de padrona di Roma vieillissante, de déconcerter ses contemporains, puis les historiens, les romanciers et les gens de théâtre. Elle parlait dix langues, s’habillait en homme et disait ce qui lui passait par la tête. Elle a aimé tous les arts, mais la musique plus que tout. Ouvrir la première salle d’opéra public à Rome, demander à Corelli, à soixante ans, de lui donner des leçons de violon, à Stradella de composer la musique d’un mini-opéra sur un livret de sa main, faire venir Descartes à Stockholm et lui faire écrire le scénario d’un ballet -qui a fait cela ?
Il a semblé à Philippe Beaussant que la musique était le plus juste témoin de ce que fut cette femme étonnante : la succession même des œuvres qu’elle a aimées, qu’elle a voulues, constitue un portrait en musique, plus vrai que tout ce qu’on a pu dire d’elle.
2014, Editions Fayard, 215 pages, 19 €

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