Britten sublimé par le couple Shaw/Hussain

par
Britten

Benjamin BRITTEN
(1913 - 1976)
The Rape of Lucretia
Christine Rice, Lucretia – Allan Clayton, Chœur masculin – Kate Royal, Chœur féminin – Duncan Rock, Tarquin – Matthew Rose, Collatin – Michael Sumuel, Junius – Catherine Wyn-Rogers, Bianca – Louise Alder, Lucia – London Philharmonic Orchestra, Leo Hussain, direction – Fiona Shaw, mise en scène – Michael Levine, décors – Nicky Gillibrand, costumes – Lumières, Paul Anderson
2016-DVD-1’14”+17’-Textes de présentation en anglais, français et allemande-Opus Arte-OA1219D

S’attaquer au monstre de difficultés qu’est The Rape of Lucretia était en août 2015 un pari osé, 70 ans après la création, que le couple Leo Hussain/Fiona Shaw sublime au festival de Glyndebourne. Adoptant des décors minimalistes, sombres et dans une ambiance tantôt glaciale, tantôt bestiale (Michael Levine), l’association de climats presque sinistre colle d’une manière remarquable à la musique crue et franche de Britten. Ici, Fiona Shaw ne se contente pas seulement de suivre à la lettre le livret de Ronald Duncan mais se plaît à déstructurer l’œuvre – tout en respectant la trame dramatique – pour en offrir une vision plus actuelle et peut-être plus humaine, preuve d’une compréhension sans failles du texte. Ainsi, les Chœurs masculins et féminins, coups de cœur de cette production, ne sont plus placés en simples observateurs sur le côté mais font partie intégrante de l’œuvre en interagissant, comme archéologues à travers les ruines romaines, avec chacun des protagonistes. Chacun des personnages évoluent ainsi sur un plateau faiblement éclairé, mais toujours dans la justesse dramatique, recouvert de terre noire et d’une « bâche » pouvant à tout moment se transformer en tente ou se retirer d’un simple mouvement. D’un point de vue musical, la baguette de Leo Hussain ne manque pas de précision et de limpidité. Les treize musiciens du London Philharmonic Orchestra font corps avec cette musique acide, parfois d’une violence sans précédent et offrent ainsi une lecture bouillonnante dont l’énergie ne s’estompe jamais. Christine Rice offre une Lucrèce de haut vol, tant dans la construction musicale et esthétique que dans le jeu d’acteur. Sa voix resplendissante et épurée contraste avec le Tarquin de Duncan Rock : voix solide, dynamique et non dénuée d’une certaine sauvagerie. Collatin (Matthew Rose) est tout aussi impressionnant. Doué d’un timbre grave et dominant, il assure une parfaite connexion avec le Junius magistral de Michael Sumuel. Face à ces trois soldats, Bianca et Lucia n’ont pas à rougir. Catherine Wyn-Rogers et Louisa Alder développent un jeu touchant, en totale adéquation avec l’esprit de la mise en scène. Enfin, Allan Clayton (Chœur masculin) et Kate Royal (Chœur féminin) affichent clairement une prise de rôle exceptionnelle tant par la tenue que par l’expressivité qu’ils parviennent à créer. A eux deux, ils donnent une plus-value non négligeable à cette œuvre complexe. Clayton possède un ambitus large, une voix puissante tout en construisant une palette de couleurs et de contrastes saisissante. Dans la même lignée, Kate Royal ne semble à aucun moment déstabilisée par la complexité du rôle et tend au contraire à la sublimer par des répliques réfléchies et intelligemment construites.
Voulant toucher à « l’archéologie de l’esprit », Fiona Shaw est parvenue à construire, sans rentrer dans la facilité ou l’exagération, un spectacle d’une grande qualité grâce à une équipe technique et musicale en parfaite harmonie.
Ayrton Desimpelaere

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