Brussels Philharmonic/Stéphane Denève : un duo au sommet !

par

Lera Auerebach (°1973) : Icarus
Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Concerto pour piano n°2 en fa majeur, op. 102
Pyotr Tchaïkovsky (1840-1893) : Symphonie n°4 en fa mineur, op. 36
Brussels Philharmonic, Stéphane Denève, direction – Boris Giltburg, piano
Décidemment, le Brussels Philharmonic continue, de production en production, à nous surprendre par son haut niveau artistique. Trois œuvres se succédaient ce soir, en commençant par une lecture particulièrement passionnante de Icarus de Lera Auerbach. Lera Auerbach est née en 1973, et elle figure parmi les étoiles montantes de sa génération tout en s’exprimant aussi comme poète et plasticienne. A 18 ans, elle quitte la Russie pour les Etats-Unis et y termine ses études. Comme le souligne Stéphane Denève en préambule, qui nous indique que le concert de ce soir est son premier à BOZAR en tant que chef mais aussi en tant directeur musical du Brussels Philharmonic, Icarus ne doit pas être perçu comme une mise en musique du mythe grec d’Icare puisque le titre n’a été apposé qu’après l’achèvement de l’œuvre. Fascinée par ce mythe, Auerbach nous emmène dans un monde de sonorités et dynamiques envoûtant. Fait rare : la présence d’un thérémine, instrument électronique inventé en Russie en 1919, qui apporte à l’œuvre un caractère et une perception inhabituelles. Stéphane Denève dirige l’œuvre avec assurance, clarté et place la barre très haut : gestes sobres, clairs, homogénéité remarquable, grande richesse de couleurs et de contrastes, que l’orchestre lui rend bien. La pièce est courte, et c’est bien dommage. Boris Giltburg, qui avait remplacé au pied levé la pianiste Sylvia Thereza Silveira en décembre dernier avec le même orchestre, revient à Bruxelles avec le dynamique et souriant Concerto n°2 de Chostakovitch. Un concerto tout en finesse écrit pour son fils Maxim à l’occasion de l’examen d’admission au conservatoire de Moscou en 1957. Dans chacun des trois mouvements, Giltburg resplendit par sa brillance de son et sa grande maîtrise du clavier. Dès les premières notes, il s’empare de l’auditeur et le captive jusqu’au bout sans jamais interrompre le souffle. Belle balance entre l’orchestre et le soliste, dialogue efficace et naturel avec le chef, ce dernier déterminé et bienveillant. Point culminant avec le second mouvement, un « Andante » émouvant de sincérité dont la douceur de l’interprétation et de l’écoute laissera le public coi. Une lecture transcendante, brillante et joyeuse que les différents protagonistes affichent avec plaisir. Après la pause, l’orchestre s’empare de la redoutable Symphonie n°4 de Tchaïkovski. Redoutable car si l’analyse de la forme n’est pas claire, si les tutti deviennent des purs moments de démonstration, l’exécution peut rapidement tourner en une pure et simple catastrophe. Et fort heureusement, le Brussels Philharmonic saisit l’œuvre avec justesse et clairvoyance. Stéphane Denève a devant lui un orchestre attentif et respectueux, capable ce soir du meilleur. D’un bout à l’autre de l’œuvre, on est subjugué par les très nombreuses qualités et perspectives offertes par les musiciens : tutti magistraux mais mesurés, finesse et dynamisme des cordes à qui répondent les vents avec douceur, archets précis et contrastes saisissants pour le premier mouvement ; hautbois, violoncelles et bassons remarquables pour le second mouvement, intense et fluide grâce à un accompagnement extrêmement attentif ; humour dans le « Scherzo », notamment par les cordes qui ne jouent qu’en pizz et où le chef modèle et imprime sur son orchestre une très belle conduite des phrases ; et enfin un dernier mouvement affiché avec assurance et vigueur sans jamais relâcher la tension. Stéphane Denève a fait du très beau travail pour ce concert, avec un orchestre particulièrement en forme et qui repousse aisément toutes les difficultés.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Bozar, le 28 janvier 2016

Les commentaires sont clos.