Bryn Terfel époustouflant avec l’ONB !

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Ouverture (Don Giovanni, KV 527), Aria "Madamina! il catalogo è questo" (Don Giovanni, KV 527), Aria "Io ti lascio", KV 245 - Pyotr Tchaikovsky (1840-1893) : Polonaise (Evgeny Onegin) - Charles Gounod (1818-1893) : "Le veau d'or est toujours debout" (Faust), "Vous qui faites l'endormie" (Faust) - Giuseppe Verdi (1813-1901) : Ouverture (Nabucco), "Ehi Paggio ! l'onore ! Ladri !" (Falstaff) - Richard Wagner (1813-1883) : Prélude à l'Acte II (Lohengrin), "Was duftet doch der Flieder" (Die Meistersinger von Nürnberg), "O du, mein holder Abenstern" (Tannhäuser), La chevauchée des Walkyries (La Walkyrie, acte 3), Feuerzauber (Die Walküre), Wotans Abschied (Die Walküre)
Orchestre National de Belgique, Gareth Jones, direction - Bryn Terfel, baryton

En marge d’un déplacement à la Salle Pleyel, l’Orchestre National de Belgique, Gareth Jones et Bryn Terfel ont proposé au public bruxellois jeudi soir un concert riche en émotions et aux allures plaisantes. Programme diversifié en deux parties, allant de Mozart à Wagner. Seule pièce peu convaincante de la soirée, l’Ouverture de Don Giovanni débute le concert avec précipitation. Léger manque de dialogue entre le chef et l’orchestre qui se trouve souvent après la battue du chef et allure trop rapide qui laisse peu de place au dramatisme et au lyrisme de certains passages (notamment pas la surpuissance des vents sur les cordes). Cet inaboutissement s'effacera très vite à l’entrée du soliste. Bryn Terfel s’impose sur scène avec charme et décontraction. Il dialogue avec le public, notamment entre les airs lorsqu’il relate quelques anecdotes (Sir Charles Mackeras devant une partition de Mozart, son premier opéra à la Monnaie, l’annonce d’un concert extraordinaire à Convent Garden jusqu’aux souvenirs de sa vie à la ferme). Pour l’air Madamina, il catalogo e questo, il use de son téléphone portable en arborant des photos au public, comme à l’orchestre. Du point de vue musical, texte parfait, lyrisme idéal, théâtralité époustouflante, le tout dans une énergie provocante. Tout cela convie l’orchestre à s’immerger dans l’ambiance et à proposer un accompagnement digne des plus grands orchestres. La Polonaise d’Evgeny Onegin de Tchaïkovski est brillante, précise et dynamique et offre un beau contraste entre Mozart et Gounod. C’est d’abord Le veau d’or est toujours debout qu’interprète Terfel avec brio et dynamisme. On se souvient de l’enregistrement magistral de José van Dam qui en a bouleversé plus d’un. Terfel nous présente une interprétation différente mais tout aussi parfaite. Même remarque pour Vous qui faites l’endormie, toujours extrait de Faust. L’orchestre, sous la direction énergique et attentive de Gareth Jones, offre de beaux contrastes entre tutti et accompagnement. Les cordes, notamment les pizz, sont précis et les vents sont à un juste de niveau de puissance. L’Ouverture de Nabucco est charmante et délicate. Les solis de cuivres sont justes, ensemble et homogènes. Belle construction de la forme et des phrasés, notamment lors du célèbre passage des esclaves. Peut-être a t-il manqué un peu de mystère dans l’entrée des cordes avant la partie rapide. Pour l’extrait de Falstaff, parfaite cohésion avec l’orchestre qui ne dépasse à aucun moment le chanteur. Terfel maîtrise texte, liaison, lyrisme, expressivité, rythme…, paramètres indispensables pour la seconde partie consacrée à Wagner. Nous l’avions déjà évoqué en début de saison, l’ONB excelle dans Wagner. C’est encore le cas ce soir avec le Prélude à l’acte III de Lohengrin. Dans un tempo modéré, les cuivres dominent largement l’introduction laissant ensuite la place aux bois et aux cordes pour les passages plus expressifs. Was duftet doch der Flieder (Die Meistersinger von Nürnberg) touche l’auditeur au plus profond. L’allemand de Terfel est parfait et son énergie fulminante de la première partie laisse place ici à un lyrisme intime teinté de chaleur. Dans la même ambiance, la romance suivante, plonge la salle de Bozar dans un état d’hypnose. Il nous emmène dans son monde, dans son art. Précision rythmique pour Walkürenritt (Die Walküre) où les cuivres démontrent à nouveau de belles capacités, comme les cordes, imperturbables. Wotans Abschied und Feuerzauber (que Terfel a chanté notamment avec Claudio Abbado) conclut la soirée avec passion, dynamisme et expressivité. Plusieurs standing ovations méritées pour les artistes, créant hilarité dans la salle lorsque Terfel se met à siffler en invitant le public à le suivre. Une soirée qui restera sans nul doute dans toutes les mémoires.
Ayrton Desimpelaere
Palais des Beaux-Arts, le 06 février 2014

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