Focus

La lumière sur un sujet musical particulier.

La musique adoucit les heurts : une analyse du litige entre l’Orchestre National de Belgique et certains de ses musiciens à propos des droits des artistes-interprètes

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La crise sanitaire n’aura pas apaisé, loin s’en faut, les tensions entre la direction et les organisations syndicales de l’ONB. La pandémie est même à l’origine d’une poussée de fièvre supplémentaire, qu’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 7 mai 2021 ne suffira vraisemblablement pas à calmer… En cause, le sort des droits des musiciens sur les reproductions et radiodiffusions de leurs interprétations. 

Le dilemme des acteurs du monde musical face à la pandémie 

On le sait, la crise de la COVID-19 a entraîné un gel des représentations musicales en public, dans notre pays comme dans beaucoup d’autres. Dans ce contexte, plusieurs ensembles ont été contraints de se tourner vers de nouvelles sources de financement, comme le streaming. D’autres, en raison de leur statut d’organisme d’intérêt public, ont choisi de diffuser des concerts par internet à des fins non commerciales, sans aucune forme de rémunération, dans l’unique objectif de se conformer à leur contrat de gestion et de préserver les contacts avec leur public.  Au risque de renforcer le sentiment, déjà bien ancré chez de nombreux internautes, selon lequel l’accès la culture devrait être totalement gratuit… Mais comment, alors, financer adéquatement la création artistique ? 

Les droits des artistes-interprètes dans la ligne de mire

Nul n’ignore plus, aujourd’hui, que les compositeurs jouissent de droits d’auteur sur leurs œuvres. Ces droits, dont la durée est limitée par la loi, leur permettent notamment d’interdire, ou d’autoriser aux conditions qu’ils déterminent, toute reproduction ou communication au public de leurs œuvres. Sur la scène internationale, ces droits trouvent leur source dans la Convention de Berne de 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Une convention pour laquelle des compositeurs tels que Giuseppe Verdi ont fortement milité. 

Ce qu’on sait moins, c’est que les artistes-interprètes bénéficient, eux aussi, de ce qu’il est convenu d’appeler des « droits voisins du droit d’auteur ». Ceux-ci ont été consacrés par la Convention de Rome de 1961 sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, ainsi que par une Directive européenne de 1992 (entretemps remplacée par une Directive de 2006). Chez nous, c’est en vertu d’une loi du 30 juin 1994 qu’ont été octroyés pour la première fois des droits voisins aux artistes-interprètes. Ces différents textes s’appuient sur une réalité, que ce site n’a jamais cessé de rappeler : la valeur économique d’une œuvre ne dépend pas uniquement de l’auteur de celle-ci, mais aussi de ceux qui l’exécutent. C’est à la lumière de ce constat que les législateurs ont voulu garantir aux artistes-interprètes une juste rémunération en cas de communication publique de leurs prestations par les nouveaux médias de masse apparus à cette époque. 

Au titre de ces « droits voisins », les artistes-interprètes jouissent, à l’instar des auteurs proprement dits, de droits exclusifs – notamment, celui d’autoriser ou d’interdire la reproduction et la communication au public de leurs prestations. Le droit de reproduction comprend non seulement le droit de fixation (sur un support sonore ou audiovisuel) des prestations non encore fixées, mais également le droit de reproduire la prestation déjà enregistrée de l’artiste-interprète, sous quelque forme que ce soit, qu’elle soit directe (à partir d’une prestation vivante) ou indirecte (à partir d’une émission radiodiffusée), provisoire ou permanente, en tout ou en partie. Quant au droit de communication au public, il comprend, entre autres, le droit d’autoriser ou d’interdire la radiodiffusion des prestations d’un artiste-interprète, sa diffusion par câble ou par satellite.

Streamings de la semaine : Varsovie, Lille et Liège

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On commence ce parcours avec rien moins que Martha Argerich dans le Concerto pour piano n°1 de Chopin avec le Sinfonia Varsovia dirigé par Jacek Kaspszyk (concert filmé le 27 aout 2010 à Varsovie). Ce concert est mis en ligne sur la chaîne Youtube de la Deutsche Welle.

A Lille, l'Orchestre national de Lille, sous la direction de Jean-Claude Casadesus accompagnait la formidable violoncelliste Anastasia Kobekina dans le Concerto n°1 de Chostakovitch. En complément de programme : la Symphonie n°5 de Beethoven.

Enfin, on rappelle l'excellent concert opéra français de l'Opéra royal de Liège sous la direction de Guillaume Tourniaire en compagnie d'un trio de chanteurs belges : Jodie Devos, Marc Laho et Lionel Lhote. C’est à voir en ligne sur le site de l‘Opéra royal de Wallonie et jusqu'au 23 mai.

Streamings de la semaine : Liège, Cannes,  Montpellier et Lille

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On débute par une escale à Liège avec un concert lyrique des forces de l’Opéra royal de Wallonie dans un programme de musique française : Ambroise Thomas, Jules Massenet, Georges Bizet et Adolphe Adam sous la direction du chef Guillaume Tourniaire. Ce concert a un écho particulier car en octobre 2020, Guillaume Tourniaire se produisait pour la première fois sur la scène belge, dirigeant Hamlet d’Ambroise Thomas dans la mise en scène de Cyril Teste. Cependant, la crise sanitaire avait contraint  à annuler cette production juste à l’issue de la générale…Hamlet d’Ambroise Thomas se taille la part du lion de ce concert qui met en relief le romantisme à la française avec Massenet, Bizet et Adam. Pour cet évènement en ligne, le chef français accompagne un trio de nos chanteurs d’exception :  Jodie Devos, Marc Laho et Lionel Lhote. C’est à voir en ligne sur le site de l‘Opéra royal de Wallonie dès ce 13 mai 

Le streaming nous permet d’apprécier en ligne de nombreuses phalanges qui irriguent les territoires à l’image de l’Orchestre de Cannes Provence Alpes Côtes d'Azur que l’on retrouve ici sous la baguette de son directeur musical Benjamin Lévy avec en soliste la violoniste Alexandra Soumm. Le programme est classique mais de qualité : Concerto pour violon de Jean Sibelius et Symphonie n°2 de Brahms. 

 

Musique française et Bizet avec la soprano Jodie Devos depuis Montpellier avec des extraits de la Jolie fille de Perth et des Pêcheurs de Perles. La cheffe Laurence Equilbey dirige les choeurs et l’orchestre de Montpellier Occitanie avec également Cyrille Dubois, Jérôme Boutillier Yoann Dubruque,  C’est à voir en ligne dès ce 13 mai : 

Retour à Lille avec nos amis du Chœur de Chambre de Namur aux côtés de l’Orchestre National de Lille sous la direction de notre compatriote David Reiland. Au programme : Thomas, Roi d’Egypte de Mozart.

Weber, le romantisme des imaginaires

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"Weber vint au monde pour écrire le Freischütz”. Cette formule à l’emporte-pièce représente la contribution de Hans Pfitzner au Dictionnaire des Idées reçues. Elle condamne à l’oubli une œuvre immense et d’une diversité étonnante (un peu plus de 300 numéros au catalogue Jahn, le “Köchel” de Weber), dont la perfection racée et désinvolte excita l’admiration tout de même plus clairvoyante de Stravinski, au point de l’amener à qualifier Weber de “Prince des Musiciens”: son Capriccio pour piano et orchestre de 1929 est un hommage explicite. 

Parmi les maîtres de la première grande génération romantique, Weber occupe une position bien particulière, et son apport est aussi original qu’irremplaçable. Il est bon de rappeler tout d’abord le fait que, né seize ans seulement après Beethoven, il le précéda cependant d’un an dans la tombe, et qu’ils sont donc contemporains, artistiquement parlant. Schubert serait alors le troisième membre de cette première génération, dont les Berlioz, Mendelssohn, Schumann, Chopin et Liszt prendront la relève à partir de 1830 (Mendelssohn seul ayant pris les devants, car enfant prodige). 

Si Weber se situe ainsi chronologiquement à l’orée du romantisme naissant, il participe encore du classicisme par bien des liens, tant matériels qu’ataviques. N’était-il pas le cousin germain de Constance Weber, épouse Mozart, parenté dont il n’était pas peu fier? Et ne reçut-il pas une part essentielle de sa formation à Salzbourg, auprès de ce Michael Haydn, frère cadet du grand Joseph, et dont l’influence sur Mozart fut décisive? Certes, avec le Freischütz, d’ailleurs préparé par bien d’autres pages moins connues, Weber introduisait dans les salles d’opéra et de concert le grand souffle embaumé de la forêt allemande. Certes, il sut le tout premier incarner les voix de la nature par la mélodie d’un cor ou d’une clarinette. Certes, c’est avec Euryanthe, avec Obéron, avec le “scénario” du Konzertstück pour piano et orchestre, que la musique s’annexa l’évocation du monde de la chevalerie médiévale, qui fut à la même époque le thème préféré du roman “gothique” anglais, Walter Scott en tête, et du romantisme littéraire de la France de Charles X. Et la noblesse piaffante, le généreux panache de tant de jaillissants Allegros weberiens ne se peuvent mieux définir qu’à l’aide de l’épithète “chevaleresque”. Il reste néanmoins que ce maître paysagiste en musique, ce virtuose de la couleur instrumentale et harmonique, demeura sa vie durant fidèle à une conception classique, mozartienne de son art. Lui qui, à l’issue de l'  audition de la Septième symphonie de Beethoven, déclarait, horrifié, qu’il fallait “enfermer son auteur aux Petites-Maisons”, écrivait quelques années plus tard cette merveilleuse profession de foi esthétique, qui définit parfaitement sa position de Classique du Romantisme : “Par concentration, j’entends la brièveté, le resserrement, tant de la forme entière que de ses parties constituantes. Et l’on ne peut y parvenir qu’en exerçant un contrôle très sévère sur les éléments les plus infimes comme sur les plus grands. S’il faut veiller à ce qu’aucune faiblesse ne s’infiltre dans le moindre motif, il faut naturellement éviter davantage encore que tout un motif plus faible ou plus terne n’apparaisse dans le cadre de la grande forme, car ainsi la précision et le relief se perdraient, le sentiment serait détruit et l’effet affaibli d’autant. En tenant compte de ces exigences, on gagne au contraire la vérité de l’expression et la forme concise, ce qui est certes déjà beaucoup. Mais il est aussi important de savoir comment on énonce une vérité: de manière plus terne, ou plus vivante, ou plus énergique. Oui, il faut que s’y ajoute l’énergie de l’expression...”. 

A cette énergie de l’expression, l’éclat instrumental peut contribuer de manière décisive, et si le romantisme de la nature ou de l’histoire représente l’un des grands pôles de la création weberienne, la virtuosité instrumentale représente l’autre. Elle se manifeste tout d’abord au piano. Weber, doté de mains gigantesques, était l’un des plus grands pianistes virtuoses de son temps et sa production, tant pour piano seul qu’avec orchestre (trois Concertos, dont le Konzertstück est le dernier) annonce fréquemment Liszt du point de vue de l’écriture instrumentale. D’autre part, Weber possède en commun avec Mozart une prédilection pour les instruments à vent, dont il sut admirablement solliciter toutes les ressources techniques et expressives. C’est dans ses pages concertantes pour clarinette, cor ou basson avec orchestre que s’effectue la plus heureuse rencontre entre les deux Weber, le Romantique et le Virtuose. Si une place privilégiée revient à la clarinette, ce fut suite à une amitié qui le lia dès 1811 au clarinettiste de la Chapelle royale de Munich, Heinrich Bärmann, qui fut à Weber ce qu’Anton Stadler avait été à Mozart et ce que Richard Mühlfeld sera à Brahms.

Un anniversaire quelque peu oublié: le 230e anniversaire de la naissance de Carl Czerny

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Carl Czerny est né le 20 février 1791 au début de cette année qui, en décembre, verra la mort de Mozart. Comme fils unique du professeur de piano Wenzel Czerny, sa destinée était tracée : il sera pianiste ! Lorsqu’il a neuf ans, le jeune Czerny est présenté à Beethoven par le violoniste Wenzel Krumpholtz, frère du virtuose de la harpe. Beethoven, alors âgé de 30 ans, est séduit par les capacités du jeune Carl et s’occupera de son éducation musicale. Évoluant dans le cercle viennois, Czerny sera, comme son prestigieux aîné, remarqué par le Prince Lichnowsky. Pour le Prince, il devra jouer de mémoire, alors que ce n’était pas la tradition, l’ensemble des œuvres connues de Beethoven. Il en résultera une profonde coopération entre les deux musiciens ; en 1811, l’aîné demandera au cadet de créer son célèbre 5e Concerto, "L’Empereur". C’est également Czerny qui se chargera de la réduction pour piano de Fidelio. Sédentaire, il ne quittera pas sa ville natale et se consacrera exclusivement à l'enseignement et la composition, parmi lesquelles un grand nombre d’Exercices et d'Études pour le piano. Quel pianiste ne se souvient pas de "L'art de la vélocité" ou celui de "délier les doigts" ? Mais le catalogue du Maître comporte plus de 850 opus parmi lesquelles onze Sonates pour le piano, six Symphonies (dont seules les deux premières ont reçu un numéro d’opus, les autres restant à l’état de manuscrit), une trentaine de Quatuors, deux Concertos pour piano, un Concerto pour piano à quatre mains, une rareté à côté de ceux pour deux pianos et… un Concerto pour quatre pianos. 

Célèbre, Czerny est évidemment sollicité pour les oeuvres collectives. On le trouve dans le recueil des 50 Variations Diabelli dont il compose aussi la coda conclusive. Il y est associé à des personnalités comme Hummel, Kalkbrenner, Moscheles, le fils Mozart, Schubert, l'abbé Stadler ou encore le jeune Liszt de 11 ans. Au début des années 1830, il collabore avec Pixis, Thalberg, Herz et… Chopin à l’Hexameron de Franz Liszt, une oeuvre pour piano et orchestre élaborée à l'instigation de la Princesse de Belgiojoso. C’est une série de Variations sur la Marche des Puritains de Bellini dont il écrit la cinquième Variation "vivo e brillante". 

Czerny ne pratiquera que peu une carrière de pianiste virtuose. Il se consacrera pleinement à ses compositions didactiques. Il meurt à Vienne le 15 juillet 1857. Fauré a déjà 12 ans, d’Indy, 6 et Claude Debussy naîtra six ans plus tard.

Christa Ludwig, la voix de mezzo  dans toute sa splendeur   

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Que sa personnalité était attachante, tant elle irradiait la scène par sa présence, sa musicalité et son art du dire qui justifiaient la versatilité de son répertoire à l’opéra, en récital, au concert ! Sa voix était celle d’un véritable mezzosoprano avec une facilité dans l’aigu lui permettant d’aborder la tessiture de soprano dramatique, toutefois prudemment abandonnée après cinq ou six saisons. Néanmoins, le timbre réussit à préserver sa patine cuivrée tout au long d’une impressionnante carrière qui dura quarante ans.

Enfant de la balle, ainsi peut-on qualifier Christa Ludwig, née à Berlin le 16 mars 1928, fille d’Anton Ludwig, baryton devenu ténor héroïque puis directeur de scène et d’Eugenie Besalla qui passait avec une rare désinvolture de Carmen à Elektra sur la scène d’Aix-la-Chapelle dont le Generalmusikdirektor était le jeune… Herbert von Karajan. Tout enfant, Christa commence avec sa mère l’étude du chant qu’elle poursuivra à Francfort puis à Munich avec Felicie Hüni-Mihaczek. A dix ans, elle se produit en public. Mais elle attendra septembre 1946 pour débuter à l’Opéra de Francfort avec le Prinz Orlofsky dans Die Fledermaus. Durant six saisons, elle y ébauche Siebel de Faust, Oktavian, Dorabella et même Ulrica d’ Un Ballo in Maschera avant d’être engagée à Darmstadt où, dès l’automne de 1952, elle aborde Carmen, la Princesse Eboli, Giulietta des Contes d’Hoffmann, le Compositeur d’Ariadne auf Naxos et les personnages wagnériens (Waltraute, Ortrud, Fricka, Venus et Kundry). Entre 1954 et 1957, elle fait partie de la troupe de la Staatsoper de Hanovre où elle s’empare de Marie de Wozzeck. Par trois fois, elle auditionne à Vienne devant Karl Böhm qui, face à ses Azucena et Amneris trop lourdes pour ses vingt-sept ans, lui rétorque : « Eh bien, mon enfant, chez moi, tu chanteras  Cherubino ! ». Et c’est effectivement le rôle du page qui la fera débuter, sous sa baguette, à la Salle de la Redoute le 14 avril 1955. Trois mois plus tard, Christa paraîtra au Festival de Salzbourg en Deuxième Dame dans une Zauberflöte dirigée par Georg Solti puis en Compositeur dans une Ariadne avec Lisa Della Casa, Hilde Güden, Rudolf Schock et Karl Böhm au pupitre.

Le 26 décembre 1955, sur le plateau de la Staatsoper à peine reconstruite, la jeune mezzo triomphe avec Oktavian. A côté de ses Amneris ou Eboli, elle ajoute à son répertoire Nicklausse des Contes, Brangäne, Konchakovna du Prince Igor avant de prendre part à la création de Der Sturm de Frank Martin que dirige Ernest Ansermet le 17 juin 1956. A Salzbourg, elle fait applaudir sa Dorabella et son Cherubino au cœur d’un plateau prestigieux incluant Elisabeth Schwarzkopf, Irmgard Seefried, Erich Kunz et Dietrich Fischer-Dieskau, alors que le 17 août 1957, elle sera Georgette dans la version remaniée de Die Schule der Frauen de Rolf Liebermann. Elle épouse alors son collègue de scène, le baryton Walter Berry, dont elle aura un fils. Mais la carrière trépidante se poursuit… Le 21 avril 1958, elle débute à la Scala de Milan où elle n’est que Waltraute au troisième acte d’une Walküre dirigée par Karajan, alors que six mois plus tard, elle y chantera les soli de la Missa solemnis pour George Szell. Et le public milanais accueillera avec transport son Cherubino en mai 1960, son Oktavian, un an plus tard. Le disque révèle ses premiers récitals de lieder accompagnés par Gerald Moore et ses fructueuses collaborations avec le mythique Otto Klemperer qui  veut enregistrer la Matthäus-Passion, la Rhapsodie pour contralto de Brahms, les Wesendonck-Lieder de Wagner et Das Lied von der Erde de Gustav Mahler. A Vienne elle présente en traduction allemande sa Rosina et sa Cenerentola, tandis qu’à Salzbourg, elle aborde la Messa da Requiem de Verdi pour Karajan et dialogue, pour cinq saisons consécutives, avec Elisabeth Schwarzkopf dans un Così fan tutte mis en scène par Günther Rennert et dirigé par Karl Böhm. 

Dossier Rimski-Korsakov (III) : un compositeur en voyage

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Quelle est la vocation d’une Exposition universelle sinon, précisément, d’être universelle? En été 1889, le monde entier s’est donné rendez-vous à Paris et tout ce qui de loin ou de près ressortit à l’intelligence et à la création humaines y a sa place. Dont la musique. La musique dite savante comme la musique folklorique, l’opéra comme l’opérette et la chanson populaire. Chez les organisateurs, on a du reste veillé à ce que des compositeurs étrangers y soient présents et, grâce à de nombreux concerts, y fassent découvrir leurs œuvres.

En ce qui la concerne, la délégation russe comprend notamment Alexandre Glazounov et Nicolas Rimski-Korsakov. Ils ont été proposés par Mitrofan Belaïev qui, à Saint-Pétersbourg, est le principal éditeur de musique de son pays et dont le dynamisme et l’enthousiasme constituent d’incontestables atouts promotionnels. Sauf que, chose paradoxale, Belaïev ne souffre pas la publicité et qu’il déteste les réclames s’étalant tapageusement aux quatre coins des villes ou “portées à dos d’hommes” -des manifestations qu’il juge à la fois inutiles et vulgaires. Pour les deux concerts qu’il a programmés à l’Exposition universelle de Paris, les samedis 22 et 28 juin, il se borne à de modestes annonces. Tant et si bien que ces deux concerts passent presque inaperçus et ne recueillent aucun succès.

Dossier Rimski-Korsakov (II) : un compositeur multiple

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Suite de notre dossier Rimsky-Korsakov sous la plume de Bruno Peeters. Après un premier temps consacré à ses opéras, nous partons explorer les autres facettes de son oeuvre.

  • La musique orchestrale

Même si le “Journal de ma vie musicale”, document capital sur la vie artistique de son temps, n’en parle que de manière élusive, les pièces orchestrales forment une part très importante de son oeuvre. Sans compter les huit Suites d’opéras, elles comprennent trois Symphonies, un Concerto pour piano et une dizaine de pages diverses.

Des Symphonies, on peut moins apprécier la Troisième, austère et un peu scolaire, mais la Première, de prime jeunesse (1865), est tout à fait charmante. Quant à la Deuxième, plus connue sous le nom d’Antar et s’inspirant de Berlioz -comme plus tard le Manfred de Tchaïkovski- que Rimski venait de voir diriger, elle se comporte comme un vaste Poème symphonique en quatre parties, à l’orientalisme ensorcelant, à l’instar de Schéhérazade. Celle-ci, véritable tube d’une ampleur superbe, a été écrite en 1888 tout comme ses deux autres succès purement orchestraux, l’Ouverture de La Grande Pâque russe (ou “Sainte Fête”), et le Capriccio espagnol. Rimski considérait celui-ci comme un vrai Concerto pour orchestre: “La succession des timbres, un choix heureux des dessins mélodiques et des arabesques figurales correspondant à chaque catégorie d’instruments, des petites cadences de virtuosité pour instruments solo, le rythme des instruments à percussion, etc.., constituent le ‘fond’ même du morceau, et non sa parure, c’est-à-dire l’orchestration” .

Streamings de la semaine : Liège, Lille et à Hambourg  

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Pour la sélection de la semaine, on commence par le festival numérique de l’Opéra de Liège qui va proposer près de 15 spectacles et concerts en ligne d’ici fin juin. 

Un titre de prestige est à l’affiche pour inaugurer cette série de diffusions numériques : La Traviata mise en espace par Gianni Santucci d’après la mise en scène de Stefano Mazzonis en 2009.

Sous la baguette de  Speranza Scappucci, directrice musicale de la maison, et avec une belle distribution :  Patrizia Ciofi, Dmitry Korchak et Giovanni Meoni. Ce spectacle est à voir jusqu’au 17 avril.

Dès ce jeudi 15 avril (et jusqu’au 24 avril), l’Opéra de Liège propose un concert lyrique, tel un voyage entre l’œuvre de Verdi et le vérisme, avec le chef Daniel Oren et la voix de la soprano  Saioa Hernández.

La Traviata et ce concert sont visibles en ligne sur la plateforme de streaming  de l’Opéra de Liège : https://streaming.operaliege.be/fr

A Lille, l’évènement musical  résidait dans la nouvelle production du Pelléas et Mélisande de Claude Debussy dans une  mise en scène et scénographie de Daniel Jeanneteau et sous la direction de François-Xavier Roth au pupitre de son orchestre Les Siècles. La distribution est superbe : Julien Behr, Vannina Santoni, Alexandre Duhamel,  Maris-Ange Todorovitch.

Enfin à Hambourg, la scène de la prestigieuse Philharmonie de l'Elbe accueille son orchestre résident de la NDR pour une Symphonie n°9 de Schubert sous la direction de Herbert Blomstedt.

Dossier Sibelius (II) : une oeuvre contrastée

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Suite de notre évocation de Jean Sibelius sous la plume d'Harry Halbreich avec un panorama de son oeuvre hors de son corpus des symphonies.

Sibelius n’a écrit qu’un seul concerto immensément populaire, pour son propre instrument, le violon, et c’est un quasi chef-d’œuvre au seuil de la maturité (1903-1904), dont le vaste premier mouvement est sans doute le plus parfait et plus pleinement original que les deux suivants. Mais on a grand tort d’ignorer les Six Humoresques pour violon et (petit) orchestre (1917-1918), véritables joyaux d’une virtuosité étincelante, dans le style de la haute maturité sibélienne, et non loin desquelles on situera les deux Sérénades de 1912-1913, de même formation.

Il y a ensuite une bonne douzaine de partitions de musique de scène (Sibelius ne composa qu’un bref opéra de jeunesse d’importance secondaire, essai sans lendemain), parmi lesquelles on pourra négliger Kuolema (La Mort) qui contient l’illustre Valse Triste, pour s’attacher plutôt aux pages délicates de Pelléas et Mélisande (1905), pièce de Maeterlinck que le compositeur a donc illustré après Fauré, Debussy et... Schönberg !, ou du Cygne Blanc de Strindberg (1907), mais surtout la très importante partition pour La Tempête de Shakespeare (1925), fruit de la suprême maturité sibélienne (entre la Septième Symphonie et Tapiola), plus d’une heure de musique dont le stupéfiant Prélude, entièrement atonal, d’une puissance titanesque.