Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

La sélection de septembre de Crescendo-Magazine 

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Avec ce mois de septembre, les publics remettent le cap sur les salles de concerts, en espérant que cette nouvelle saison puisse se dérouler normalement ! Tant les artistes que le public en ont besoin !  

Le grand événement de cette rentrée est l’inauguration du  Grand Manège, la nouvelle salle de concert de Namur. L’évènement est de taille en Belgique francophone car c’est la première fois qu’une nouvelle salle de concert conçue pour la musique classique est inaugurée depuis l’ouverture de la Salle philharmonique de Liège en 1887 ! Ce week-end inaugural sera complété d’une saison qui prendra ses quartiers au printemps 2022. www.grandmanege.be

Un week-end de célébrations est planifié du 3 au 5 septembre avec évidemment la présence sur scène du chœur de Chambre de Namur et du Millenium Orchestra sous la direction de Leonardo Garcia-Alarcon. 

On revient à Bruxelles avec le festival Voce et Organo dont nous avons publié une présentation des différents évènements.

30 ans du Festival Sinfonia en Périgord

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Le festival de musique baroque Sinfonia en Périgord a fêté sa 30e édition cette année, après une annulation l’année dernière. C’est aussi la dernière édition de son directeur artistique David Theodorides (également directeur de l’association CLAP, organisatrice du festival) qui vient d’être nommé Directeur Général de l’Abbaye aux Dames à Saintes. Un concert de jeunes talents au début de l’après-midi, un concert de musique de chambre à 17h dans des petites églises de la région, et une soirée avec une formation importante à 21h à Périgueux, rythment le quotidien du Festival.

Concerts de 17h, la viola da spalla et le clavecin

Proposé par Samuel Hangebaert et Ronan Khalil, deux musiciens fondateurs de Acte 6, le programme « Rivals » est une excellente occasion pour apprécier la viola (ou le violoncello) da spalla, répandu notamment en Italie mais aussi en Allemagne aux XVIIe et XVIIIe siècle et redécouvert depuis une quinzaine d’années. Le maintien par l’épaule droite à l’aide d’une bandoulière rend le jeu plus propice à la virtuosité, grâce aussi à la cinquième corde. En effet, la tessiture aiguë des pièces jouées au cours de ce concert (Sonates en la mineur RV 43 et en mi mineur RV40 de Vivaldi, ainsi que celles en fa majeur, en do majeur et en mi mineur op. 1 de Marcello) suggère le violoncello da spalla au lieu du violoncelle. Faisant de l’instrument une partie de son corps par des gestes naturels, Samuel Hangebaert fait résonner la belle sonorité boisée proche de basson, longue, suave et onctueuse. L’acoustique de l’église de Chantérac se prêtant parfaitement au répertoire, l’écoute procure un vrai plaisir. Les commentaires du musicien entre deux pièces ainsi que la grande complicité entre les deux musiciens, rendent le concert plus plaisant et détendu.

Le lendemain, au grand salon de la Préfecture, Ronan Khalil revient pour donner un récital composé d’œuvres de Rameau et de Duphly. Il remplace au pied levé (en moins de 24 h !) le claveciniste initialement prévu. Les deux compositeurs n’ont pas de secret pour ce brillant claveciniste des Ensemble Desmarest (dont il est fondateur) et Pygmalion ; il propose trois Suites qu’il constitue avec des pièces prises dans différents recueils, une pratique courante à l’époque. Il les joue avec beaucoup de style ; une certaine gravité règne dans un prélude alors que Les Tendres plaintes de Rameau sont pleines d’affects, ou encore, La Forqueray de Duphly est dominée par une vigueur souple… Chaque pièce est interprétée comme un joyau unique, laissant une grande fraicheur à l’issue du récital.

Une fin de semaine au Festival de Musique Ancienne d'Innsbruck 2021

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Déjà pendant les XVIe et XVIIe siècles, Innsbruck possédait, sous la conduite de Heinrich Isaac ou Pietro Antonio Cesti, un ensemble musical de haut niveau qui pouvait concurrencer ceux de la capitale viennoise. C'est à partir du noyau de cet ensemble qui fut constitué le fameux Orchestre de Mannheim dont Mozart fera l'éloge. Au milieu du XXe siècle, plusieurs enthousiastes et musiciens de talent ont donné un essor considérable aux activités musicales et surtout au principe de l'interprétation historiquement informée avec l'usage préférentiel d'instruments originaux.

Les “Innsbrucker Festwochen der Alten Musik” ont démarré en 1976 et peuvent se targuer d'être aujourd'hui un des centres de musique ancienne dont la tradition est la plus importante. Les noms de Nikolaus Harnoncourt, Sir John Eliot Gardiner, Jordi Savall, Ton Koopman, Frans Brüggen, Gustav Leonhardt, Sigiswald Kuijken, Rinaldo Alessandrini, Fabio Biondi, Thomas Hengelbrock, Konrad Junghänel, Cristina Pluhar ou Alan Curtis ont été habituels ici, pour ne citer que des chefs d'orchestre, qui se sont évidemment entourés des meilleurs chanteurs et instrumentistes de leur temps. Mais c'est René Jacobs, directeur artistique du Festival pendant douze ans, qui lui donna l'élan définitif et l'a rendu incontournable dans la sphère baroque internationale. Son départ marqua un certain déclin, renonçant à des grands noms, à des programmes de main trilingues ou d'autres luxes du genre qui pouvaient attirer l'attention d'un public international. Sous la conduite d'Alessandro Di Marchi, cette nouvelle version, plus modeste dans la forme mais toujours exigeante dans le contenu, s'est centrée sur l'intérêt d'un public local, fidèle et enthousiaste et a permis encore la renaissance d'un nombre important d'oeuvres oubliées souvent injustement, permettant ainsi un large élargissement du répertoire d'opéra et de concert. En même temps, la naissance en 2010 du Concours annuel de chant Antonio Cesti a fait connaître de nombreux jeunes chanteurs qui se sont produits ici ou ailleurs au cours des années successives.

25e Festival Voce et Organo  : Sweelinck, Praetorius et les maîtres italiens 

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25 ans du Festival Voce et Organo, ce sont 25 ans de concerts remarquables. 

En 1997, le nouvel orgue de style Renaissance de l’église Notre-Dame de la Chapelle résonne pour la première fois sous les voûtes. Le public, enchanté, en découvre les sonorités vives et colorées. Depuis lors, chaque année à la fin de l’été, l’asbl Voce et Organo propose au public des concerts de musique ancienne à Bruxelles ou ailleurs, dans des églises remarquables, sur des orgues de très grande qualité, en compagnie d’organistes et de musiciens de renom belges et étrangers, ainsi que de nouveaux ensembles auxquels l’occasion est offerte de se faire connaître du public. 

Pour sa 25e édition, le Festival Voce et Organo se décline en des lieux prestigieux : l’église Notre-Dame de la Chapelle et l’église Notre-Dame au Sablon à Bruxelles, mais aussi, à Liège, à l’église Saint-Jacques, écrin d’un des plus beaux orgues Renaissance d’Europe. 

Il y convie la beauté et l’harmonie des ensembles Huelgas, Imago Mundi et Polyharmonique en compagnie des organistes Arnaud Van de Cauter, Bernard Foccroulle et Ilze Bertrand, dans une programmation consacrée aux Maîtres de la musique Renaissance, le Hollandais Jan Pieterszoon Sweelinck et l’Allemand Michael Praetorius (décédés il y a 400 ans), mais aussi à Josquin des Prez (vers 1450-1521), figure de proue de la polyphonie franco-flamande, actif sa vie durant en Italie, décédé il y a 500 ans. 

  • Genèse de l’Asbl et du festival Voce & Organo 

L’aventure prend naissance en 1993 sous l’impulsion d’Arnaud Van de Cauter qui, à l’époque, initie le projet de construction d’un orgue de style Renaissance conçu pour interpréter la musique de l'époque de Sweelinck. Il réalise là un rêve de longue date : faire construire un orgue ayant du caractère, une personnalité propre, un orgue conçu dans le style de l’Europe du Nord du début du XVIIe siècle, typé selon une esthétique et un répertoire bien définis et qui, par ailleurs, présente la particularité d’être déménageable, pour pouvoir porter la musique là où les orgues sont absents, laissés à l’abandon ou disparus. 

Le festival de Menton 2021

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Le Festival de Menton 2021 prend ses quartiers sur le Parvis de la Basilique Saint-Michel Archange, joyau de l'art baroque, perché au-dessus de la vieille ville de Menton, face à la mer, sous un ciel étoilé. L’ambiance est unique et le public est heureux de retrouver une vraie édition complète après celle de 2020 raccourcie mais maintenue malgré tout. 

De cette édition, nous retenons deux axe : les stars confirmées et les jeunes talents, avec parfois un mix des deux à l’image de ce concert d’ouverture nommé “Générations” où l’on retrouve avec bonheur le merveilleux pianiste Alexandre Tharaud et on découvre le jeune Quatuor Arod. On se régale avec un programme très intéressant allant de Rameau à Franck en passant par Haydn. Alexandre Tharaud joue les Suites de Rameau, écrites pour clavecin, sur un piano de concert Yamaha, tout en respectant scrupuleusement le style et l'écriture de Rameau. La sonorité du piano est plus flatteuse pour l'oreille et le public est transporté.

Le Quatuor Arod interprète magistralement le Quatuor n°1 en sol majeur op.76, Hob.III 75 de Haydn. En consultant les archives du Festival on constate que le Quatuor Vegh avait joué le même quatuor au premier concert du Festival il y a 72 ans. Si les murs de la Basilique pouvaient parler... Le Quintette avec piano de César Franck est une partition puissante et dramatique, un chef d'oeuvre de la musique romantique. Avec Tharaud et le Quatuor Arod, on vit un moment chargé d'émotions. C'est intense, passionné, lyrique, fougueux, somptueux.

Le mélange des générations s’illustre également avec le récital du jeune violoniste Théotime Langlois de Swarte accompagné par rien moins que William Christie au clavecin. Ils proposent le programme de leur dernier album dédié au bien oublié Jean-Baptiste Senaillé. Il est émouvant de voir la musique éclore ainsi sous l'œil bienveillant et attentionné du grand William Christie.  

L'OPMC au Palais Princier sous la direction de Kazuki Yamada

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L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo se produit dans le cadre de ses traditionnels concerts estivaux donnés la Cour d'Honneur du Palais Princier. Les deux derniers concerts de la saison avec l'O.P.M.C. étaient placés sous la direction de Kazuki Yamada, le directeur musical et artistique de la phalange monégasque. 

Le 1er août, le public a eu le bonheur de retrouver le violoniste  Sergey Khachatryan dans le Concerto pour violon de Sibelius. Khachatryan est un musicien intègre et s'il s'était fait un peu plus rare ces dernières années,  il n’en reste pas moins  l’un des meilleurs violonistes actuels. Son interprétation du Concerto de Sibelius était phénoménale, tel un volcan dans un glacier :  sonorité superbe, technique incroyable, musicalité, intensité, lyrisme, poésie tout y était. C'était beau, profond et transcendant. Après une ovation enflammée, il donne en bis une pièce poignante pour violon solo de musique arménienne.

Festival de Peralada : un anniversaire au programme resserré

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Le Festival “Castel de Peralada” fondé en 1987 près de Figueras, dans le nord de la Catalogne, a proposé cette année une programmation resserrée et élaborée en tenant compte des contraintes imposées par le Corona. Le programme était étalé sur trois semaines, du 16 juillet au 1 août , principalement sur trois week ends, et le nombre des spectateurs réduit : 700 places à l’Auditorium, un espace de plein air, et 160 personnes à l’Eglesia del Carme au lieu de 300.

Comme chaque année, le programme proposait des spectacles de ballet -cette année le Béjart Ballet Lausanne-, des récitals lyriques avec, entre autres, le ténor Benjamin Bernheim, et des opéras en versions concertantes ou scéniques tel l’Orlando de Hândel avec le contre-ténor Xavier Sabata et Tosca de Puccini avec Sondra Radvanovsky, Jonas Kaufmann et Carlos Alvarez dirigés par Nicola Luisotti, une soirée venue en droite ligne du Teatro Real de Madrid.

J’avais choisi le dernier week end : un récital lyrique par l’éblouissante jeune soprano norvégienne Lise Davidsen, et Aminta et Fillide, une cantate de jeunesse de Händel présentée en théâtre vivant par William Christie et les voix fraîches des Arts Florissants. Pour couronner le Festival, le “Gala lyrique” en célébrait le 35e anniversaire.

Hélas, les circonstances en ont décidé autrement. Lise Davidsen, engagée cet été à Bayreuth pour Tannhäuser et Die Walküre, devait faire un aller-retour Allemagne-Espagne mais en décida finalement autrement : pas de récital à Peralada cet année ! Pas de Händel par les Arts Florissants non plus, du moins pour moi, car l’Eglesia del Carme ne pouvait contenir qu’un public restreint et je n’en fus pas. Dommage.

Le festival International de Mandoline de Castellar

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Castellar est situé entre la Principauté de Monaco et la frontière italienne, sur une falaise à 365 m d'altitude, à 7 km de Menton et du littoral méditerranéen. Les panoramas et le paysage exceptionnel sont particulièrement appréciés des randonneurs qui sillonnent les nombreux sentiers autour du village. Lorsque vous êtes à Castellar, quelques instants suffisent pour vous déconnecter de l'activité trépidante de la côte et vous laisser envelopper par les senteurs d'une nature oubliée. C'est dans cet écrin que brille l'église Saint-Pierre (XVe siècle). C'est ici que se déroulent les "grands concerts" du festival fondé en 2009 par la mandoliniste de réputation internationale Sabine Marzé.

Grâce à l'invitation des plus célèbres mandolinistes du monde entier à Castellar, comme Chris Acquavella, Carlo Aonzo, Avi Avital, Vincent Beer-Demander, Yasunobu Inoue, Julien Martineau... mais également des artistes comme Richard Galliano et Agnès Jaoui, le Festival International de mandoline de Castellar est devenu un événement prestigieux incontournable.

Du fait de la situation, le programme du festival de 2020 a été reporté pour 2021.  On devait fêter les 80 ans de Vladimir Cosma l'année passée mais malheureusement le compositeur a souffert entre-temps du Covid et il a renoncé à venir à Castellar cette année.

Cosma a composé en 2014 un concerto pour mandoline et orchestre commandé par le célèbre mandoliniste français Vincent Beer-Demander et, pour cette soirée d'hommage, on a le bonheur de découvrir une création mondiale : La suite populaire pour mandoline et accordéon. Cette oeuvre rappelle, par la forme, l'inventivité mélodique et le rythme haletant, les Danses roumaines de Béla Bartók.

Edgar Moreau et Kotaro Fukuma en récital

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La Mairie de Villefranche-sur-Mer présente depuis une vingtaine d'années plusieurs concerts de musique classique au mois de juillet. C'est Nelly Rainaut, grande mélomane, qui en est l'instigatrice. Elle fait ce travail en tant que bénévole et par amour de la musique.

Après l'année de la Covid, la Mairie a préféré n'organiser cette fois qu'un seul concert prestigieux.

On attendait la pianiste Khatia Buniatishvili, en récital dans un programme très intéressant. Malheureusement, elle a annulé son concert quelques jours auparavant pour cause de maladie. C'était un réel tour de force de trouver d'autres grands artistes disponibles à la même date. Le violoncelliste Edgar Moreau est un des grands chéris du public, après avoir été vainqueur aux Victoires de la Musique et lauréat du Concours Tchaïkovski il y a déjà dix ans. Il est accompagné du pianiste Kotaro Fukuma qui  était déjà venu en 2018 à Villefranche-sur-Mer et avait conquis le public. Moreau et Fukuma venaient de donner un récital en Bretagne. C'était la première fois qu'ils jouaient ensemble et la presse était très élogieuse. Nelly Rainaut s'est empressée de les contacter et le miracle s'est produit : on a pu assister à un concert mémorable.

Le public est venu nombreux, muni des parapluies car le temps était pluvieux en fin d'après-midi, mais doux en soirée. Le concert a lieu en plein air sous les étoiles, dans le cadre spectaculaire de la Citadelle de Villefranche qui date du XVIe siècle.

Ophélie Gaillard, Lucile Richardot et le Pulcinella Orchestra : glorieuse trinité au festival de Saintes

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Ce 24 juillet, Saintes s’est plus que jamais accordée au féminin pluriel. Accompagnées de sept acolytes en grande forme, deux femmes auréolées de talent y ont fait vibrer les murs quasi millénaires de l’église Sainte Marie de la cité musicale charentaise. 

Le festival musical de Saintes fêtait cette année son 50e printemps. Sans doute n’en fallait-il pas davantage pour que fût mis à l’honneur, le temps d’un concert, l’auteur des fameuses Quattro Stagioni. Retransmis en direct dans les jardins de l’abbaye, l’événement draina un public nombreux, qui communia sans modération à l’enthousiasme des artistes. 

Ophélie Gaillard, à la tête de l’ensemble Pulcinella, formation à géométrie variable dont elle est directrice artistique, confirma, à ceux qui n’en avaient encore entendu que les enregistrements aguichants réalisés pour le label Aparté, l’agilité et la délicatesse de son jeu. Qui ne se souvient de son intégrale des sonates pour violoncelle et basse continue de Vivaldi ou, plus récemment, du double album, consacré au même compositeur, à l’occasion duquel la celliste franco-helvétique et ses comparses convoquèrent, pour notre plus grand plaisir, la mezzo-soprano Lucile Richardot et la contralto Delphine Galou ?    

Bien que presque exclusivement consacré au Prêtre Roux, le programme de ce concert, très intelligemment conçu, fut d’une fraîcheur bienvenue : mêlant airs d’opéra et œuvres instrumentales, il ravit les sens tant par la variété formelle des œuvres présentées que par la diversité des affects qui les parcouraient. De prime abord intime, sinon retenue, la sonorité de l’ensemble gagna rapidement en assurance et en profondeur, à l’exception, hélas, de celle du clavecin, dont les guirlandes d’accords brisés peinaient à franchir l’enceinte des instruments à cordes. A une assertivité grandissante, les musiciens conjuguèrent un souci prononcé des contrastes, à la faveur d’une articulation extrêmement soignée.