Scènes et Studios

Que se passe-t-il sur les scènes d’Europe ? A l’opéra, au concert, les conférences, les initiatives nouvelles.

Les tops du mois de septembre 

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En mars dernier, quand Crescendo Magazine a mis en ligne sa sélection des concerts du mois, on ne se doutait pas qu’il faudrait attendre 5 mois pour mettre en ligne la suivante. Dès lors, nous sommes heureux de vous proposer une sélection d’événements à ne pas rater. Nous rappelons qu’il s’agit ici d’une sélection éditoriale et non d’un panorama exhaustif de l’offre de concert. 

Crescendo Magazine est par ailleurs heureux de vous annoncer qu’il sera, tout au long de la saison, partenaire média du CAV&MA (Centre d’Art Vocal & de Musique Ancienne) de Namur et de l’Atelier Lyrique de Tourcoing

Cette rentrée musicale commence fort, à Lille, avec un concert de l’Orchestre Français des Jeunes, sous la direction de Fabien Gabel (relisez ici l'interview qu’il nous a accordée). Ce sera au Nouveau Siècle le 3 septembre prochain. 

A quelques encablures, l’Atelier Lyrique de Tourcoing vous attend pour une journée portes ouvertes, le samedi 19 septembre, avec une affiche de classe mondiale : Bertrand Chamayou et Jean-François Heisser au piano ; Jean-Guihen Queyras au violoncelle ; le quatuor Manfred ; les mezzo-sopranos Salomé Haller et Isabelle Druet ; la Grande Ecurie et la Chambre du Roy sous la baguette d’Alexis Kossenko et Les Siècles sous la direction de François-Xavier Roth. 

Ce même François-Xavier Roth sera en concert en Belgique au Singel d’Anvers avec son autre orchestre : le Gürzenich Orchester Köln dans des oeuvres de Stravinsky et R. Strauss avec Bertrand Chamayou en soliste (7 septembre). On le retrouve ensuite à la Philharmonie de Paris pour un concert qui rendra hommage à la chorégraphie originale du Bolero de Maurice Ravel (26 et 27 septembre). 

Le Chœur de Chambre de Namur – Team Liège et la Cappella Mediterranea sous la direction de notre cher Leonardo García Alarcón seront en l’église de Falmignoul dans le cadre du festival Orferidis pour un programme de Maîtres Wallons de la Renaissance (19 septembre à 17h et 20h). CALeonardo

Sabine Devieilhe chante l’amour 

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On ne présente plus la jeune soprano Sabine Devieilhe qui s’est imposée comme l’une des sopranos les plus incontournables du moment. Alors qu’elle avait particulièrement marqué le public bruxellois lors des représentations de Die Zauberflöte en 2018, elle revient pour un récital des plus attendus. Accompagnée par Alexandre Tharaud, elle chantera son dernier album consacré à l’amour selon Poulenc, Ravel, Fauré et Debussy.  

Votre nouvel album s'intitule “Chansons d’amour” et il offre un panorama de mélodies françaises de Ravel, Debussy, Fauré, Poulenc. Comment avez-vous choisi ce programme ?

Alexandre et moi avons un amour en commun : la mélodie française. Nous l'avons d'autant plus réalisé en parcourant les piles de partitions que nous avons lues à deux. Le répertoire de la fin du XIXe et du début XXe foisonne de bijoux très contrastés les uns des autres. Notre choix des compositeurs avait pour but de brasser les grands courants d'écriture propres à cette période. La veine folklorique ou populaire chez Ravel et Poulenc, la romance chez le jeune Debussy ou Fauré, l'harmonie tantôt modale, l'atmosphère  chez Ravel et Debussy, et de merveilleux poèmes chez tous. 

La mélodie française est un style des plus exigeants. Quelles sont les difficultés à surmonter et les écueils à éviter pour trouver le ton juste ? 

Il est vrai que la mélodie française demande une attention particulière au texte pour le rendre le plus intelligible possible, ainsi qu'une grande rigueur vocale. Le ton juste se trouve dans la composition du programme pour offrir un vrai moment de théâtre et d'intimité au public.

Edward Gardner face à Peter Grimes 

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Le chef d’orchestre Edward Gardner sort un enregistrement du Peter Grimes de Benjamin Britten. Publiée par Chandos, cette gravure voit le maestro au pupitre de l’excellent Orchestre Philharmonique de Bergen dont il est le Directeur musical. Cette parution est l’un des événements éditoriaux de la rentrée !

Vous sortez un nouvel enregistrement de Peter Grimes par Benjamin Britten. Cet opéra incarne plus que tout autre l’opéra anglais. Est-ce que cela a un sens particulier pour un chef d'orchestre anglais d'enregistrer cet opéra ?

Je ne suis pas sûr qu'être Anglais soit particulièrement pertinent pour interpréter Peter Grimes ; c'est une histoire universelle et un langage musical à multiples facettes ! Ce que je peux vous dire, c'est que j'ai été amoureux de la musique et du cadre dramatique de Britten dès mon plus jeune âge. Mon premier privilège avec ce chef d’oeuvre a été de le jouer avec la compagnie pour laquelle elle a été écrite : le Sadler's Wells Opera, qui est devenu l'English National Opera. Cette compagnie était fière de la pièce et en était propriétaire, ce qui m'a permis de l'approfondir.

Pour cet enregistrement, vous dirigez votre Orchestre Philharmonique de la ville de Bergen, en Norvège. Comment cet orchestre s'est-il approprié l’œuvre ?

À part les Quatre Interludes maritims, la suite orchestrale tirée de l'opéra, l'orchestre de Bergen ne connaissait pas Peter Grimes. Il est vite apparu que le cadre et l'ambiance de l'opéra étaient les mêmes que dans le Suffolk. Bergen est une ville isolée, régie par la mer et le temps, et ce cadre résonne profondément avec l'orchestre et le chœur.

Festival La Grange de Meslay : Moisson 2020

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La 56e édition du Festival La Grange de Meslay a eu lieu en un temps de week-end, les 22 et 23 août, contrairement en 3 week-ends au mois de juin. La demi-jauge de la salle, soit environ 400 places, était complète ou presque, montrant l’attente du public attaché à cet événement annuel créé par Sviatoslav Richter dans les années 1960 et à ce lieu mythique.

Théo Fouchenneret livre deux œuvres d'envergure
Le jeune pianiste Théo Fouchenneret ouvre le Festival, le dimanche 22 à 15h, avec deux œuvres consistantes : la Fantaisie de Schumann et la sonate Hammerklavier de Beethoven. Premier Prix du Concours de Genève en 2018 et nommé aux Victoires de la Musique catégorie « révélation soliste instrumental » l’année suivante, Théo Fouchenneret est par ailleurs un excellent chambriste : avec le Trio Messiaen, il a remporté le 1er Prix du Concours de musique de chambre de Lyon ainsi que 5 prix spéciaux en 2019. Sa Fantaisie est fondamentalement gaie et juvénile. Après les deux premiers mouvements qu’il joue avec simplicité, c’est au 3e mouvement qu’on trouve sa personnalité, par exemple dans l’accélération avec un certain sens d’urgence dans la dernière partie en ut majeur « Nach und nach bewegter und schneller », avant l’Adagio ultime. Il est nettement plus à l’aise dans la Hammerklavier (son disque avec cette sonate sort en septembre) qui reste toujours juvénile et fraîche. Son jeu est propre et magnifiquement rendu, mais sa simplicité interroge parfois, comme ces trémolos après une gamme ascendante rapide dans le Scherzo (Prestissimo-Tempo I). La fugue, dont il joue le thème quelque peu « saccadé » et rythmé, est certainement la plus aboutie de son interprétation, avec chaque voix qui ressort des autres. En bis, Marguerite au rouet de Schubert/Liszt sans le caractère tragique.

Emmanuel Pahud, flûtiste dans son époque 

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On ne présente plus le flûtiste Emmanuel Pahud, star mondiale de son instrument. Que ce soit en soliste ou depuis les pupitres de l’Orchestre Philharmonique de Berlin dont il est l’un des piliers, ce musicien aime sortir des sentiers battus. Alors qu’il est le héraut d’un album consacré à des musiques de film d’Alexandre Desplat (Warner) sous la direction du maître lui-même, il répond aux questions de Crescendo Magazine. 

Vous êtes au coeur d’un nouvel album de musiques de film d’Alexandre Desplat. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre part à cette aventure ?

C‘est un souhait fort et secret que j‘avais depuis longtemps, car le cinéma est pour moi indissociable de la musique. La rencontre à Los Angeles  avec Alexandre Desplat lors d‘une tournée des Berliner Philharmoniker fut décisive, lorsqu‘il me révéla qu‘il avait lui-même joué de la flûte et qu‘il rêvait d‘écrire des pièces pour cet instrument. Ce sont donc deux doux rêveurs qui se sont rencontrés, si l’on veut, et ainsi est née cette aventure qui allait se concrétiser deux ans plus tard à Paris avec l‘Orchestre National.

 Que représente la musique de film pour vous

Elle polarise le spectateur en lui faisant regarder les images autrement. Elle lui permet de repartir avec des images en fredonnant ses thèmes favoris. Elle est l’expression de ce que l‘image ne peut pas toujours représenter.

 Est-ce que vous êtes un cinéphile passionné ? 

Amateur, oui, mais pas passionné : ma passion, ma vie, c‘est la musique ! Quand j‘étais étudiant à Paris, j‘ai vu et apprécié beaucoup de films dans les salles indépendantes et spécialisées : quel élargissement de mon horizon culturel !

Est-ce qu’il y a quelque chose de plus plaisant à jouer des tubes cinéphiliques comme le thème de Grand Hotel Budapest qu’une Sequenza de Berio ?

Non. Dans mon rôle d’interprète, de medium, la croyance est essentielle : la meilleure musique du monde est celle que l‘on est en train de jouer. Je ne suis pas là pour me faire plaisir, c’est le public qui doit prendre plaisir. Pour celà, je dois croire de tout mon être dans la musique que je joue, quelle qu‘elle soit.

Fabien Gabel avec l’Orchestre Français des Jeunes 

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Le chef d’orchestre Fabien Gabel assure depuis 2017 la Direction musicale de l’Orchestre Français des Jeunes (OFJ). Alors qu’il s’apprête à diriger la session d’été qui a pu être maintenue et qui proposera un concert au Nouveau Siècle de Lille (le 3 septembre), il répond aux questions de Crescendo Magazine.

Vous allez diriger cette session d’été de l’Orchestre Français des Jeunes, session dont le programme de concerts a été diminué et qui se déroule dans un contexte très particulier. Quel est votre état d’esprit avant de monter au pupitre ? 

Je suis bien sûr très heureux que cette session puisse avoir lieu... On sait à quel point un retour sur scène reste fragile et que les décisions politico-sanitaires peuvent à tort ou à raison mettre un terme à cette reprise ! Cependant j'ai pu déjà diriger en France à Mulhouse en juin et plus récemment à Grafenegg en Autriche. Pour cette session avec l'OFJ, l'orchestre a été scindé afin que tout le monde puisse jouer. Par conséquent nous avons dû adapter notre programme et renoncer aux gros effectifs orchestraux.

Le programme de cette session comprend une création de Diana Soh, mais aussi deux grandes oeuvres du répertoire : le Concerto pour violoncelle de Schumann et la Symphonie n°3 de Brahms. Comment avez-vous choisi ce programme ? Est-ce qu'il est essentiel pour vous de proposer une création à côté d'oeuvres du répertoire ?

Les trois pièces que vous mentionnez étaient déjà programmées au répertoire de cette nouvelle saison. La pièce de Diana Soh est une commande de l'OFJ inspirée par deux oeuvres que nous ne pourrons pas jouer cet été mais fort probablement lors de la session d'hiver, la “Danse des sept voiles" de Salomé de Richard Strauss et la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt. Nous allons cependant les travailler dès cet été. Soutenir la musique de notre temps est essentiel et fait partie de la mission de l'OFJ, mais nous avons aussi joué des reprises de créations par le passé. Les jeunes musiciens doivent approcher avec sérieux tous les répertoires et doivent impérativement défendre les compositeurs d'aujourd'hui.

A Pesaro, un ROF en plein air ! 

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En cette année 2020, la 41e édition du Festival Rossini de Pesaro a d’abord le mérite d’avoir lieu. Pandémie du Covid-19 oblige, le programme prévu a été reporté à la saison prochaine, en maintenant les productions de Moïse et Pharaon, Elisabetta regina d’Inghilterra et Il Signor Bruschino. Durant ce mois d’août, festivaliers et agences de spectacle se sont arraché les cinq représentations de La Cambiale di Matrimonio données au Teatro Rossini, dont le  nombre de places a été drastiquement réduit par les mesures sanitaires. 

C’est donc à ciel ouvert, Piazza del  Popolo, que se sont déroulées les autres manifestations. L’on y a édifié une scène avec un arrière-fond en bois, jouxtant une imposante fosse d’orchestre  surmontée de haut-parleurs superposés. Une fois les premières mesures passées, le produit de cette ‘alchimie’ sonore paraît plutôt satisfaisant, face à un parterre de plus de 1400 sièges dont ne sont utilisées que 680. Ceci m’a toutefois permis d’entendre deux grands chanteurs dialoguant avec la Filarmonica Gioacchino Rossini ainsi qu’une représentation d’Il Viaggio a Reims.

Alexander Shelley, à propos de Johannes Brahms, Robert Schumann mais surtout Clara Schumann

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Le chef d’orchestre Alexander Shelley, directeur musical de l’Orchestre du Centre National des Arts du Canada, inaugure un cycle discographique pour le label canadien Analekta consacré aux symphonies de Johannes Brahms et Robert Schumann, mises en perspective avec des oeuvres de Clara Schumann. Alors qu’un revival s’amorce vis à vis des oeuvres de cette compositrice, Alexander Shelley revient sur sa place dans l’histoire de la musique 

Votre nouvel enregistrement comprend des partitions symphoniques de Brahms et Schumann ainsi que le Concerto pour piano de Clara Schumann. L'addition de ces trois noms est logique en raison de l'amitié qui les unit, mais c'est quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant ! Comment avez-vous conçu ce projet ? 

Clara n'était pas seulement la personne qui liait les vies de Robert Schumann et de Johannes Brahms, elle était aussi l'une des figures musicales les plus inspirantes de son époque, vénérée et admirée presque universellement par ses pairs. Et bien que l'œuvre de Johannes et Robert ait été explorée en profondeur, c'est en fait en tant que triumvirat artistique -une trinité musicale romantique si vous voulez- que chacun d'eux peut être compris et admiré plus pleinement. Je veux que notre projet célèbre cette trinité et offre une perspective nouvelle aux auditeurs. 

J'ai lu dans le communiqué de presse que ce CD est le premier d'une série de quatre. Quelles seront les autres étapes de ce projet ? 

C'est le premier d'une série de quatre doubles albums qui présenteront un cycle complet des symphonies de Robert Schumann et de Johannes Brahms, tricotées ensemble par les mélodies, la musique de chambre et le concerto de Clara Schumann. En étroite collaboration avec Julie Pedneault-Deslauriers, spécialiste de Schumann, et Jan Swafford, spécialiste de Brahms, nous avons travaillé à la réalisation d'un ensemble de huit disques qui offriront un aperçu musical enrichissant de l'œuvre de ces trois génies. 

Musique de chambre avec Alexandre Kantorow à La Roque d’Anthéron

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Depuis son premier prix au Concours Tchaïkovsky l’année dernière, Alexandre Kantorow est devenu l’un des pianistes les plus demandés des scènes internationales. Il est un invité régulier du Festival International de piano La Roque d’Anthéron, c’est d’ailleurs ici qu’il a fait sa première apparition française après le célèbre Concours. Cette année, il s’est produit le 9 août en deux concerts de musique de chambre.

Un voyage épique avec le Trio de Tchaïkovsky

Pour le premier concert, dans la matinée, il forme un trio avec la violoniste Liya Petrova et le violoncelliste Aurélien Pascal. Une seule œuvre figure au programme : le Trio « à la mémoire d’un grand artiste » en la mineur op. 50 de Tchaïkovsky. Soulignons d’emblée le contrôle admirable de l’instrument chez chaque musicien. Le rythme à rubatos subtils, l’ampleur dans chaque phrasé (même à des moments « serrés » il y a un espace), affirmation et discrétion, intimé et grandiloquence, chant, mouvement, passion, douleur… Leur interprétation déborde de volonté, la volonté d’évoquer une vie, réelle (celle de Nikolaï Rubinstein dont Tchaïkovsky fut inspiré) et imaginaire (de veine éminemment romantique), mais aussi leur volonté, délibérée, de faire de la musique.

La Roque d’Anthéron : pépinière de jeunes talents

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Le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron devait fêter ses 40 ans avec une programmation centrée sur le 250e anniversaire de Beethoven. Le Coronavirus ne l’a pas permis tel qu’il était conçu initialement, mais René Martin, directeur artistique du Festival, a concocté un cocktail tout aussi réjouissant, en privilégiant les pianistes français. Ainsi, les jeunes interprètes émergents ont été particulièrement mis en avant dans cette édition. En effet, depuis quelques années, la France voit s’épanouir de nombreux jeunes musiciens talentueux, notamment chez les pianistes et violoncellistes.

La série de 6 concerts pour l’intégrale chronologique des sonates pour piano de Beethoven, les 7 et 8 août derniers, est partagée par onze interprètes, six de la génération « intermédiaire » nés dans les années 1960-1970 (Claire Désert, François-Frédéric Guy, Florent Boffard, Jean-Efflam Bavouzet, Emmanuel Strosser, Nicholas Angelich), et cinq de la toute dernière génération, des années '90 : Yiheng Wang, Manuel Vieillard, Nour Ayadi, Kojiro Okada, et Rodolphe Menguy -parlons des trois derniers que nous avons entendus le 8 août, plutôt que de leurs aînés dont on connaît déjà largement le talent. D’autres jeunes sont invités à donner des récitals, comme Célia Oneto Bensaïd et Jorge Gonzalez Buajasan, que nous avons entendus le 10 août.