Charpentier : Orphée descend aux Enfers

par

Marc-Antoine CHARPENTIER (1643-1704) : La descente d'Orphée aux Enfers. Cyril AUVITY (Orphée), Céline SCHEEN (Eurydice), Etienne BAZOLA (Pluton), Floriane HASLER (Proserpine), Maïlys de VILLOUTREYS (Daphnée), Virgile ANCELY (Apollon, Titye), Jeanne CROUSAUD (Oenone), Dagmar SASKOVA (Aréthuse), Kevin SKELTON (Ixion), Guillaume GUTIERREZ (Tantale), François-Nicolas GESLOT, David WITCZAK, Ensemble Desmarest, dir.: Ronan KHALIL. 2017-DDD-60'45-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Glossa GCD 923602

A ne pas confondre avec la cantate Orphée descendant aux enfers du même Marc-Antoine, l'opéra de chambre La descente d'Orphée aux Enfers de Charpentier, de trois ans postérieur, est le fruit d'une commande de Marie de Lorraine, laquelle raffolait d'intermèdes lyriques, éloignés tout autant des grandes tragédies que des comédies-ballet, en réalité des miniatures d'opéras, ajustées aux effectifs modestes dont pouvait disposer cette dernière représentante de la branche aînée de la maison de Guise. Cette particularité était aussi, et surtout, une conséquence directe de la toute puissance de l'encombrant Lully, lequel interdisait d'exécution quelque musique que ce soit chantée en français sans passer préalablement par son autorisation expresse. Seule concession faite par le cupide Florentin : des pages destinées à deux voix et six violons tout au plus.

De telles restrictions limiteront pour longtemps à quelques rares cercles privés l'aura de compositeurs au génie pourtant éclatant, comme l'était celui de Charpentier. Le pauvre homme ne renonça pas à contrer cette dictature mais avec des succès variables. On remarquera que, des lustres plus tard, Offenbach sera confronté à un problème assez semblable, qui l'obligera à écrire longtemps des opérettes à deux ou trois personnages, sans choeur, accompagnés par un ensemble instrumental des plus restreints. A l'instar de l'auteur d'Orphée aux Enfers, Charpentier prodiguera des trésors d'imagination pour créer des ouvrages où son talent pourra s'exprimer malgré les interdits. L'ampleur dramatique, la richesse de l'écriture concentrées dans la pièce que nous découvrons aujourd'hui, en font un bijou du répertoire qui ne déçoit pas le moins du monde face aux grandes créations à venir d'un esprit enfin délivré par le plus célèbre coup de bâton de l'histoire, cruel et fatal pour sa victime mais libérateur pour la musique française. Parmi les trouvailles que Charpentier introduit dans son opéra, on trouvera ce jeu de tonalités liées non seulement aux personnages mais aussi à leurs humeurs et leur état d'esprit.

Il est probable que l'oeuvre soit incomplète car elle ne présente que deux actes, ce qui est inhabituel pour l'époque. Il serait d'ailleurs naturel qu'il en existât un 3ème puisque l'histoire s'arrête au moment où Orphée se prépare à retourner dans les Enfers pour ramener Eurydice. Il était plus que temps que l'on découvre cette merveille, interprétée avec brio et justesse par Cyril Auvity et son ensemble Desmarest. On regrettera juste l'antipathie très perceptible que nourrit le maître d'oeuvre de ce disque à l'encontre de Lully dans une notice par ailleurs très instructive et bien écrite.

Bernard Postiau

Son: 10 Livret: 10 Répertoire: 10 Interprétation: 10

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