CMIREB : une riche avant dernière soirée

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Plus que deux candidats avant le verdict final samedi vers minuit. Mais avant cela, retour sur une soirée riche en émotions.

© Bruno Vessiez
© Bruno Vessiez

Lee Ji Yoon, originaire de Séoul en Corée, a 22 ans et joue un Guarneri de 1730. Elle termine actuellement un master à la Hochschule für Musik Hanns Eisler de Berlin tandis qu’elle se démarque par un second prix au Concours International Pablo Sarasate puis un premier prix au Concours David Oïstrakh à Moscou. Elle débute sa soirée avec une lecture très personnelle de …aussi peu que les nuages… de Michael Jarrell, l’œuvre imposée que les candidats ont découverte pour la première fois une semaine avant le passage devant le jury. Dans un climat relativement calme et un tempo moins rapide que d’autres, la candidate propose une interprétation fluide, sans difficultés, mais parvient difficilement à s’imposer. La jeune candidate aurait gagné en liberté en se détachant davantage de la partition, qu’elle ne quitte pas souvent. L’ensemble, propre, contrôlé et clair, est néanmoins marqué par de très beaux moments recueillis, conférant à l’œuvre une sorte de longue phrase musicale douce ponctuée de petites aventures. Dans le concerto de Brahms, on la sent plus investie, dialoguant et jouant avec l’orchestre, plus en forme ce soir, et heureuse de se produire sur scène. Le premier mouvement, complexe tant sur la forme que sur le style, est abouti grâce à une compréhension évidente de la structure. Chaque transformation, modulation et procédés qui les relient, sont symbolisés par une couleur, une ambiance, conférant de fait à cette prestation une très belle rencontre. Le second mouvement permet à la soliste de développer un travail sur le timbre, tout en restant expressive. On notera un très bon dialogue avec Marin Alsop qui saisit toutes les opportunités pour créer un son homogène entre la soliste et l’orchestre. Très personnelle à nouveau, Lee Ji Yoon s’empare du dernier mouvement avec fougue et passion. S’enchainent alors contrastes et dynamiques accordant au mouvement de nature populaire tout l’élan requis. Discours juste, sonorités pures et souples pour une finaliste qui s’est, au fur et à mesure de la prestation, libérée de toute contrainte. Malgré quelques accrochages et une justesse pas toujours idéale, la candidate offre une prestation de très haut niveau.

© Bruno Vessiez
© Bruno Vessiez

S’il ne remporte pas le concours, Oleksii Semeneko repartira au moins avec un fan club. A peine rentre-t-il sur scène qu’une partie du public l’acclame, une pression supplémentaire. Le candidat ukrainien âgé de 26 ans étudie actuellement à la Hochschule für Musik de Cologne. Habitué des concours, il obtient un troisième prix au Concours International Paganini de Moscou, un premier prix au Concours International Boris Goldstein et remporte les Young Concerts Artists International Auditions à New-York. Il débute …aussi peu que les nuages… avec résolution, dans un tempo relativement rapide. Arborant un jeu limpide, le candidat est l’affût d’effets cachés et surprises sonores dans la partition. De fait, le contact avec Marin Alsop en sera plus naturel, presque intime. Globalement, ce sont les nombreuses dynamiques, les contrastes et petites touches personnelles qui auront fait de cette lecture l’une des plus passionnantes de la semaine. Dans Sibelius, chaque mouvement correspond à ce que l’on attend : fluidité et compréhension du discours, homogénéité du son, aboutissement des phrases et surtout un rapport et une balance adéquats avec l’orchestre. Ce soir, l’auditeur a affaire un artiste mature dont le jeu limpide et naturel, grâce à un archet précis, offre une lecture plus que convaincante. Le second mouvement marque les esprits par un ton résolument personnel et une volonté accrue de développer un dialogue avec l’orchestre. L’orchestre qui d’ailleurs semble plus en adéquation ce soir avec les candidats. Seraient-ils plus inspirés ? Chez Semenenko, tout est sujet à expressivité, clarté et énergie. Le troisième mouvement ne déroge pas à la règle et conclut la prestation du candidat avec panache. Le résultat est tel que l’orchestre et Marin Alsop suivent le candidat avec respect et attention, le laissant libre de ses mouvements. Devant un public partiellement debout, le candidat a, malgré quelques très rares accidents ou soucis de justesse, offert plus qu’une épreuve : un vrai concert.
Ayrton Desimpelaere
Bozar, le 29 mai 2015

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