Concours Reine Elisabeth 2016

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La session 2016 du Concours Reine Elisabeth a débuté ce lundi.
Pendant un mois, mélomanes et amateurs de Concours vont se presser à Flagey puis au Palais des Beaux-Arts. Et la RTBF veillera à ce que chacun puisse « suivre le Concours » en direct ou en différé.
Des 76 candidats qui, cette semaine, donneront le meilleur pour convaincre le jury, 24 se retrouveront en demi-finales la semaine prochaine. Leurs prestations seront commentées en ces pages.
Mais le Concours est une vaste entreprise qui mobilise toute une équipe bien au-delà du traditionnel mois de mai. Pour que chacun puisse en prendre la mesure, nous publions chaque jour un compte-rendu, une interview,… qui éclaire ce travail de l’ombre.
Et les concertos « du Concours » feront l’objet d’une présentation détaillée pour guider l’auditeur dans son écoute et ses inévitables comparaisons.
Aujourd’hui, nous donnons la parole à Arie van Lysebeth qui préside le Jury.

3184755301_1_18_w8EHIUnv20 ANS DEJA !
La discrétion fait partie de sa nature. Le sourire est omniprésent, l’humour jamais bien loin. Depuis 1996, Arie van Lysebeth préside pourtant le jury du Concours avec le plus grand sérieux. Nous l’avons rencontré.

- Au regard de votre longue expérience, quelles sont les caractéristiques d’un « bon » Président ?
Dans le cas qui nous occupe, je dirais que la fonction requiert essentiellement deux aptitudes : le président doit être à la fois un guide et un diplomate. Inutile, je suppose, de vous préciser que les deux s’exercent en même temps…

- Vous évoquez là un risque d’incidents ?
Pas du tout. Mais pour les éviter, il faut être en mesure de guider le jury dès les premiers moments. Il y a tant de paramètres objectifs et humains à gérer. Pour réaliser ce qu’on attend de lui, chaque membre doit sentir qu’il est bien à sa place. Accueilli avec cordialité, il faut qu’il sente à quel point on l’attend, on est heureux qu’il soit là. Dès la veille des premières épreuves, ils sont réunis autour d’un dîner. C’est à ce moment-là que s’installent les prémices de la collégialité qui va régner tout au long de ce mois de mai.

- Vous n’intervenez pas dans les cotations, il n’y a pas de délibération,… A quel moment intervient le guide ?
Tout le temps. Tout au long du déroulement du Concours, les jurés doivent savoir et bien comprendre ce qu’on attend d’eux. Le règlement est complexe et il prévoit un grand nombre de cas de figure. Il s’est, avec raison, affiné au fur et à mesure du temps et des sessions. Il est nécessaire d’expliquer et de réexpliquer. Pour éviter les malentendus, il n’y a pas d’autre voie que de veiller à ce que chaque article prenne tout son sens pour chacun des membres. Un exemple ? Si un candidat a travaillé avec un membre du jury, même brièvement, celui-ci ne participe pas au choix des œuvres que le candidat va jouer ni à la cotation de la prestation. Bien compris, dans le souci de l’équité qui est à son origine, cet article du règlement s’impose comme une évidence.

- C’est en cela que réside votre mission tout au long des épreuves que nous allons pouvoir suivre ?
Outre le rôle d’hôte au quotidien et la préservation de la sérénité dans le jury, c’est bien là l’essentiel de ma mission, oui. Mais la responsabilité du Président débute bien plus tôt. Comme vous le savez, les candidats font l’objet d’une pré-sélection à huis clos, sur la base des DVD qu’ils envoient au Concours avec leur inscription. Une partie du jury se réunit donc au début du printemps et consacre une semaine entière à auditionner leurs prestations pour retenir ceux qui peuvent entamer les épreuves avec des chances réelles. A ce stade-là déjà, il est impératif que chacun comprenne bien ce qu’on attend de lui.
Le niveau des jeunes musiciens a beaucoup évolué au fil des années. Tous peuvent maintenant se prévaloir d’un excellent niveau technique. Et la plupart d’entre eux ont voyagé, rencontré de nombreux professeurs, fait leurs synthèses personnelles dans les approches stylistiques. On est désormais bien loin des écoles qui identifiaient les concurrents. Les critères techniques et stylistiques n’étant plus « premiers », il faut que les membres du jury conçoivent clairement les paramètres dont ils vont devoir tenir compte. C’est sur base de ceux-ci que seront échantillonnés les extraits des DVD. Car il faut savoir qu’avec plus de 300 documents cette année, on ne peut consacrer plus de huit à dix minutes à chacun. Pas question d’écouter une œuvre de bout en bout, si intéressante soit-elle. Il faut donc bien connaître le répertoire et les passages qui donneront le plus d’informations significatives sur chaque candidat. Là, déjà, le Président se doit d’avancer des propositions, des suggestions pertinentes en complément des desiderata du jury.

- Revenons au déroulement des épreuves publiques. La semaine des finales reste encore la plus « spectaculaire ». Elle cristallise beaucoup d’attention : grâce aux medias, chacun peut « suivre le Concours ». Comment gérez-vous le stress qu’elle génère ?
Je vais vous étonner. Au cours de cette semaine-là, les choses coulent plutôt de source. Entendons-nous bien : je reste évidemment très concerné par ce qui se passe et il n’est pas question de relâcher la vigilance. Mais tout le monde est « au point » et, à ce stade des épreuves, les risques d’incidents sont à peu près inexistants. Les membres du jury remettent leurs cotes (entre 60 et 100) pour chacun des finalistes et celles-ci sont introduites dans un programme élaboré pour les traiter rapidement, pondérer ce qui doit l’être, prendre en compte certains paramètres supplémentaires en cas d’ex aequo et, finalement, fournir les résultats.
Humainement, la semaine mobilise comme les autres mais, en tant que Président, ma mission était plus exigeante en amont. Sauf les moments délicats tels que les petits discours publics. Et, bien sûr, la proclamation où il est primordial de ne pas se tromper une seconde. Car au Président, on ne pardonne rien. Ainsi, l’année dernière, même notre télévision nationale a laissé entendre que j’avais mal prononcé le nom de la gagnante alors que l’incident était dû à une mauvaise compréhension de la part de la finaliste concernée. Pour s’en assurer, il suffit pourtant de réécouter l’enregistrement…
Un moment comme celui-là témoigne encore de l’impérative diplomatie à cultiver tout au long du Concours pour en préserver la sérénité et pour continuer à assurer son rayonnement mondial.
Propos recueillis par Michelle Debra, le 13 avril 2016

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