Concours Reine Elisabeth : salle comble jeudi soir

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Jeudi soir, la salle est comble comme si le haut niveau de l'après-midi avait appelé le public.
Premier candidat : Ivan Thirion. Le jeune (24 ans !) baryton belgo-bulgare à l'allure soignée débute par l'air de Mozart (Tutto è disposto - Les noces de Figaro) avec une justesse de ton remarquable et une puissance naturelle fascinante. Il capte l'attention du public et fait parler les silences. Son chant est d'une grande éloquence. Pour la deuxième pièce, il a choisi Quand la flamme de l'amour tiré de l'opéra de Bizet : La Jolie fille de Perth. Un beau choix et une grande émotion dans son jeu, de beaux phrasés clairs et nets. La puissance de la voix n'est jamais écrasante et n'empêche pas une variété de timbres. Beau premier tour et belle première partie de soirée.
Plus rare au concours, un contre-ténor. Belge aussi. Guillaume Houcke, accompagné du pianiste belge Daniel Thonnard, débute avec Liszt (Oh ! quand je dors). On découvre la pureté de la voix, sa couleur feutrée et douce. Mis à part quelques erreurs négligeables, sa prestation est remarquable de qualité. Dans Mozart (Parto, parti, ma tu ben mio) tiré de La Clémence de Titus, Houcke montre de la puissance et une très bonne technique, et toujours une grande tendresse. On est saisi par tant de maîtrise. Nul doute que la suavité de sa voix aura charmé.
La soprano coréenne Lee Bomi a tout pour plaire. Une belle voix, puissante, techniquement parfaite et des aigus très lumineux mais cela ne suffit pas. Dans Bizet (C'est des contrebandiers - Carmen) on ne comprend pas le texte et on sent qu'elle même ne l'a pas totalement saisi. La justesse de son Bellini gomme un peu Bizet mais ne suffit pas à convaincre.
La deuxième soprano coréenne, Hwang Sumi, séduit par sa grande perfection technique (la plus impressionnante de la soirée) et par une musicalité naturelle sidérante. L'air Ne poy, krasavitsa, pri men de Rachmaninov est un choix excellent qui met en valeur toutes ses qualités expressives et techniques. La portée de la voix et la netteté de la diction font de cette musicienne une sérieuse candidate au prochain tour. L'air de Gounod (Ah, je veux vivre - Roméo et Juliette) le confirme.
La mezzo-soprano néerlandaise Esther Kuipen a du mal à convaincre avec un Bach (Qui cedex ad dexteram Patris - Hohe Mess BWV 232) trop peu investi et pas assez poignant. La technique est assez bonne malgré quelques imperfections mais la candidate semble manquer d’engagement. Pareil pour son court Massenet (Je suis gris), rapide mais sans vitalité.
La dernière candidate de cette première partie de soirée est Serbe et se nomme Sonja Saric. Choix osé avec un air du Tannhauser de Wagner (Dich, teure Halle) mais assumé dans un puissance hallucinante. Cette jeune soprano est très prometteuse mais il faut que sa voix mûrisse encore un peu. Elle fait montre de belles intentions mais aussi d’un manque de soins dans les détails. Du potentiel néanmoins.

La deuxième partie de la soirée a débuté avec le baryton russe Mikhail Gavrilov qui a choisi le lied An die Musik de Schubert. Mauvais choix, peu de couleurs et peu d'émotion. Quelques malheureux ratés qui ne seront pas “ rattrapés ” par l'air de Tchaikowsky tiré de Yolanda chanté avec un panache qui ne masque pas le manque de clarté et de puissance dans l'émission.
Le premier ténor de la journée est coréen. Kim Junghoon entame sa prestation avec le lied Heimliche Aufforderung de Richard Strauss. Beau choix mais il ne convainc pas. Une belle émission et de beaux aigus ne comblent pas le manque de lyrisme et d'émotion. La deuxième pièce, tirée d' Un Bal masqué de Verdi, est bien plus réussie et montre chez ce jeune Coréen de très grandes qualités : justesse, beau vibrato et bonne prononciation de l'italien. Junghoon a fini sur une belle impression.
Le candidat australien né en Chine, Wang Kang est un des rares ténors de cette session. Son Kuda, kuda de Tchaikowsky (Eugène Onegine) convainc d’emblée : belle intelligence musicale et beaux phrasés. Et il offre le meilleur avec Puccini (Che gelida manina - La Bohème): du souffle, de la puissance, de l'émotion et une très bonne respiration. Kang toutes ses chances pour la suite de ce concours.
Le Cameroun est représenté cette année par la soprano Elisabeth Moussous qui, dès les premières notes du Quando m'en vo de Puccini, saisit par la puissance de sa voix chaleureuse qu’elle projette aisément. Elle manque malheureusement de contrastes et son Mild und Leise tiré de Tristan et Isolde de Wagner reste un peu terne malgré la puissance et l'expression.
La soirée se termine avec une soprano Polonaise qui a choisi de débuter par l'air de Cleopatre du Giulio Cesare de Haendel. Dagmara Barna offre de belles intentions et beau timbre malgré quelques imperfections récurrentes. Elle a du coffre et de l'expression. Son air de Gounod Ah, je veux vivre est chantée avec brio et souplesse, ce qui lui vaut un beau succès pour conclure la soirée.

Rendons hommage aussi à la qualité de jeu du pianiste Philippe Riga, à la grande délicatesse de Nino Pavlenichvili et à la puissance contrôlée de Jonas Vitaud.

François Mardirossian
Bruxelles, Flagey, le 15 mai 20h

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