Contresens

par

Rameau, maître à danser
Daphnis et Eglé
La naissance d'Osiris
LES ARTS FLORISSANTS, Choeur et Orchestre, dir.: William CHRISTIE, Sophie DANEMAN (Mise en scène), Françoise DENIAU (Chorégraphie), Renoud van MECHELEN (Daphnis), Elodie FONNARD (Eglé), Magali LEGER (Amour et Pamilie), Arnaud RICHARD (Grand Prêtre), Pierre BESSIERE (Jupiter), Sean CLAYTON (Un berger)
2014-1 DVD- 107'-NTSC -DVD9- 16/9- Stereo- Dolby Digital 5.1-VO français- sous-titres français, anglais, espagnol, allemand, japonais-Alpha 704

Dans le Manège équestre de l' «Académie de La Guérinière» (Caen), William Christie et ses Arts Florissants se sont entourés d'une nuée de danseurs et chanteurs pleins de conviction, pour célébrer nous dit-on « Rameau, maître à danser ». Deux petits ballets en un acte ont été emboîtés l'un dans l'autre pour en faire un seul. Le premier dans lequel il ne se passe rien d'autre que la célébration de la naissance de Louis XVI et le second, Pastorale héroïque, décrit la découverte de l'amour par les bergers Daphnis et Eglé dans la forêt conduisant au temple de l'amitié puis au temple de l'amour. Le public semble aux anges. Il aurait été judicieux d'en rester là. Car la réalisation vidéo s'avère fort décevante : un plateau vide de décors, de perspectives, de variations de lumière ainsi qu'une évidente modestie de moyens. Les cadrages flottent à ras du sol, dans une pénombre peu flatteuse, sans que l'on sente une vision cohérente. Si le chef et son ensemble tirent leur épingle du jeu, il n'en est pas de même de la mise en scène. La note d'intention nous explique que la pastorale était à l'époque de Rameau un moyen de se  « libérer du stress (sic) ! » et qu'il n'est pas nécessaire de « reproduire servilement les codes du dix-huitième siècle ». Dommage, quand la réputation des Arts Florissants s'est construite sur le souci d'authenticité ! Souci qui ne se confond jamais avec la servilité (les basses chiffrées laissant une partie créative à l'exécutant). Dommage ensuite pour la vérité de la danse lorsqu'à la page suivante on reconnaît que les notations ont été conservées, ce qui signifie qu'il était donc parfaitement possible de les restituer. Dommage enfin, lorsque les responsables de la mise en scène déclarent : « Nous voulons que cette pastorale paraisse parfaitement réelle » ! Alors que la représentation du « réel » est totalement prohibée et même choquante au XVIIIe siècle... Ce qui nous vaut des costumes « déconstruits » (sic), des « textures plus brutes, plus réalistes, celles du cuir, de la paille, de la toile de jute ». Mais aucun souci d'économie ne saurait excuser si grossier contresens sur la nature de l'art baroque -art du merveilleux, de la mise à distance, d'apparences dévoilées et de métamorphoses. A l'opposé de tout réalisme ! Ajoutons des jeux de scène d'un prosaïsme déplacé : regards appuyés et baisers dignes de séries B, simulation pauvrette d'une grossesse suivie de l'accouchement derrière un rideau marron. Qu'a bien pu retenir Sophie Daneman de sa longue fréquentation du répertoire vocal baroque ? Metteurs en scène, costumiers et éclairagistes devraient se replonger d'urgence dans les ouvrages de Philippe Beaussant, dans les travaux -auxquels a contribué William Christie (!)- qui ont présidé à l'inoubliable « Atys » ou au non moins remarquable « Hippolyte et Aricie » (Ivan Alexandre). Et, quitte à « actualiser », visionner le superbe travail de Barrie Kosky (« Castor et Pollux »).
Bénédicte Palaux Simonnet

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