Dans La Bohème de Lausanne, un ténor à suivre !

par
La Bohème

© M. Vanappelghem

Pour la troisième fois en l’espace de quatorze ans, l’Opéra de Lausanne reprend la production de La Bohème que Claude Stratz avait conçue en juin 2003. Pour les décors, Ezio Toffolutti jouait la carte de la sobriété en constituant, pour les premier et dernier actes, une mansarde sous baie vitrée totalement dépouillée à laquelle donne accès une trappe. Puis quelques panneaux de guingois suffisent à suggérer un quartier populeux où, côté cour, se profile la terrasse illuminée du Café Momus ; et, sous le silence de la neige, ces mêmes éléments amovibles se retourneront pour évoquer la lisière d’un bois jouxtant la gargote et la barrière d’Enfer qui fait office de douane. Quant à ses costumes, il use de beiges, de gris, de bleus plutôt sombres quand Parpignol sera de blanc vêtu sous son chapeau à bougies électriques et que Musetta fera sensation sous son satin rouge flamboyant. Et la mise en scène suit rigoureusement les indications du libretto tout en proposant quelques trouvailles comme ce Parpignol dans sa caisse à jouets percutant le Tambour-major qui s’effondre en provoquant la chute de la fanfare en jeu de cartes ou cet Alcindoro courant au poste-frontière pour revoir sa Musetta au comble de l’exaspération. Dans la fosse, le chef allemand Frank Beermann, découvert il y a trois ans dans Die lustigen Weiber von Windsor, impose un rythme narratif soutenu et une grande précision à l’Orchestre de Chambre de Lausanne en grande forme comme à la Maîtrise ‘Opéra’ du Conservatoire de Lausanne (préparée par Stephanie Burkhard et Pierre-Louis Nanchen) et au Chœur de l’Opéra de Lausanne (dirigé par Jacques Blanc).
Sur scène, les hommes sont meilleurs que les femmes, à commencer par le magnifique Rodolfo de Giorgio Berrugi, véritable ‘lirico spinto’ aux élans généreux, émettant le pianissimo le plus déchirant dans ce « O Mimì, tu più non torni » qu’il partage avec le Marcello de Vittorio Prato, jeune baryton aux moyens considérables et au brio ahurissant. Face à eux, la Mimì d’Emily Dorn est en retrait avec ce timbre plutôt ingrat qui manque singulièrement de velouté alors que l’on chante Puccini ; mais son incarnation si bouleversante estompe l’émission gutturale de son aigu. Quant à la Musetta d’Anne Sophie Petit, le peu de consistance de son medium déséquilibre l’extrémité de tessiture aux relents acides que rachète l’adéquation totale à son personnage. Le Schaunard de Benoît Capt s’impose par son attention à la déclamation narrative, quand le Colline de Luigi De Donato a la retenue d’un bourru au grand cœur. Complètent adroitement la distribution le Parpignol ébahi de Marin Yonchev et le Benoît aussi cocasse que l’Alcindoro de Mario Marchisio. Au rideau final, un succès délirant !
Paul-André Demierre
Lausanne, Opéra, le 19 mars 2017

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