Dans la cour des grands avec Lugansky et Tchaïkovski

par
Tchaikovsli

Piotr Ilitch TCHAIKOVSKI
(1840-1893)
Sonate n°2 en sol majeur, op. 37 "grande sonate" -Les saisons, 12 pièces caractéristiques, op. 37b
Nikolai Lugansky, piano
2017-DDD-81'37"-Textes de présentation en français et anglais - Naïve AM 215

Il n'est pas étonnant qu'interrogé sur les pianistes qu'il aime écouter et qui l'inspirent, Nikolai Lugansky cite parmi les vivants Arcadi Volodos, Marc-André Hamelin, Radu Lupu, Martha Argerich naturellement, Mikhail Pletnev, Grigory Sokolov... Nelson Freire est aussi l'un de mes pianistes préférés. Dès les premiers moments de la Grande sonate en sol, les différents plans sonores s'articulent les uns par rapport aux autres. La musique respire. Le jeu perlé du pianiste russe se fond dans une dynamique superbement rythmée. Pas de doute, on est à l'écoute d'une des meilleures interprétations de cette sonate créée par l'immense pianiste Nikolaï Rubinstein. Au contraire de ce dernier, Tchaïkovski n'était pas un très grand pianiste, comme le rappelle Lugansky dans les propos recueillis par Claire Boisteau dans le livret qui accompagne ce CD. L'écriture de cette sonate n'est donc pas particulièrement pianistique ce qui ajoute une série de difficultés techniques à l'interprétation. La réussite n'en est donc que plus méritoire.
La Grande Sonate (35 minutes) en sol de 1878 succède au premier concerto pour piano (1874-1875), au ballet le lac des cygnes (1875-1876), aux Variations sur un thème rococo (1876), à la Quatrième Symphonie (1877) et à la composition de l'opéra Eugène Onéguine (1877-1878) ; elle est écrite dans les quatre mouvements traditionnels : Moderato e risoluto, Andante non troppo quasi moderato, Scherzo allegro giocoso, Finale allegro vivace. Parfois inspirée de Chopin et de Schumann, elle ne nie pas le caractère russe tragique que l'on ressent dans la Quatrième Symphonie. C'est une œuvre puissante pour un piano orchestral. Plus chambristes, Les Saisons qui méritent mieux leur titre de douze mois de l'année passent en douze petits joyaux de la paix d'un soir d'hiver (janvier, au coin du feu) par la joie des récoltes (août, les moissons) aux valses qui célèbrent les fins d'année (décembre, Noël).
A l'écoute de l'interprétation de Lugansky, on sourit aujourd'hui des écrits d'un Rotislav Hofmann, bien oublié, qui dans sa biographie de Tchaïkovski parue en 1947 dans les éditions soviétiques du chêne affirmait avec sérieux : Mais peut-être doivent-ils (les morceaux des saisons) leur vaste publicité précisément au fait qu'en définitive ils ne valent guère mieux que ces affreux chromos de l'Angélus ou des Glaneuses qu'on trouve sur nos calendriers. Dix ans plus tard, dans son condensé publié sous le nom de Michel R. Hoffmann dans la collection française des Solfèges du Seuil, il sera plus concis mais tout aussi risible : l'ensemble ne dépasse guère la valeur artistique des chromos que l'on voit sur les calendriers des P.T.T. Son jugement sur la Sonate en sol majeur où le meilleur côtoie le pire n'était guère plus pertinent. On constate que certains critiques du milieu du XXème siècle n'étaient donc guère moins méchamment acerbes qu'un Hanslick qui disait au sujet du premier concerto pour piano : En écoutant le concerto de M. Tchaïkovski, je me suis rendu compte que la musique aussi pouvait sentir mauvais. L'histoire a prononcé son jugement. Tchaïkovski ne méritait pas cet acharnement ; il est aujourd'hui pleinement réhabilité comme un des plus grands compositeurs russes. Nikolai Lugansky le démontre ici à merveille. Un enregistrement indispensable donc !
Jean-Marie André

Son 10 – Livret 10 –  Répertoire 10 – Interprétation 10

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