De la compétition pour les Gabrieli

par
Croce

Giovanni CROCE
(c.1557 - 1609)
Motets à huit voix (1594)-Chants sacrés à cinq voix (1605)
Oeuvres de Giovanni Picchi, Vincenzo Bell'haver, Andrea et Giovanni Gabrieli, Gioseffo Guami et Claudio Merulo
Voces Suaves, dir.: Francesco Saverio PEDRINI, Concerto Scirocco, dir.: Giulia GENINI
2015 à 2017-DDD-52'19-Textes de présentation en anglais, français, allemand et italien-Arcana A439

Quand on parle de la musique sacrée à Venise aux 16ème et 17ème siècle, on pense immédiatement à la « dynastie » Gabrieli et à Monteverdi. C'est oublier que, malgré leur exceptionnelle importance, ils ne furent pas les seuls à avoir présidé à la vie musicale de la Sérénissime. Giovanni Croce est un exemple parfait de ces maîtres ayant oeuvré pour la basilique Saint Marc et dont l'aura a été éclipsée au cours des temps. Compositeur prolifique, il mena une carrière davantage semée d'embûches que ne le fut celle des Gabrieli. Né à Chioggia, il s'installa encore adolescent à Venise, sans doute à l'initiative du maître de la chapelle de Saint Marc de l'époque, Gioseffo Zarlino; il ne devait plus la quitter. D'abord garçon soprano dans le choeur de la basilique, il publia, dix ans à peine après son arrivée, un premier recueil de madrigaux. Très vite, il reçut l'aide et le soutien de mécènes puissants, notamment issus de l'influente famille des Morosini. Sa décision de devenir ecclésiastique ne viendra pas perturber son inspiration et il saura trouver une place très respectée aux côtés des omniprésents Gabrieli. Il laisse également une abondante création profane destinée aux nombreux palais de la ville, une production animée d'une verve qui n'est pas sans rappeler Vecchi ou Banchieri et d'ailleurs mieux connue des mélomanes. Divers écrits nous révèlent qu'il fut très actif dans les milieux littéraires et qu'il noua des relations chaleureuses avec de riches marchands flamands mais aussi des ambassadeurs et même l'Archiduc d'Autriche, plus tard empereur, Ferdinand II. A l'écoute, sa musique s'inscrit bien sûr dans le style inimitable et somptueux en cours sur la lagune et on ne peut qu'être frappé par l'immédiateté de sa séduction. Ses motets à huit voix, présentés ici, extraits de recueils de 1594 et 1605, n'ont pas la complexité ni la subtilité des chefs-d'oeuvre gabriéliens mais ne manquent pas de panache et impressionnent par la richesse de leur polyphonie. La science sous-jacente laisse néanmoins sous-entendre que cette simplification est le résultat d'un souci de rendre intelligibles des textes complexes. Certaines pièces font appel à des artifices bien connus mais qui font toujours leur petit effet, tels l'écho dans Virgo decus nemorum ou, avec un traitement fort différent, dans Anima mea liquefacta est. Le disque est agrémenté de pages instrumentales, essentiellement des Canzons d'Andrea et Giovanni Gabrieli, mais d'autres sont dues aux plumes de Giovanni Picchi, Claudio Merulo, Gioseffo Guami ou Vincenzo Bell'haver. Une très belle découverte.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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