Découverte d'un timbre ravissant

par

Ariane et Orphée
Cantates baroques françaises
Oeuvres de Rameau, Lambert, Jacquet de la Guerre, Courbois et Marais
Hasnaa BENNANI (soprano), Ensemble Stravaganza
2015-60' 26''-Notice de présentation et textes chantés en français et anglais-chanté en français-Muso Mu-009

La jeune soprano marocaine Hasnaa Bennani n'était pas une inconnue, non : elle nous avait déjà ravis dans Amadis de Lully et dans Zaïs de Rameau, avec les Talens Lyriques chez Aparté, orée d'une carrière fertile. La voici dans un CD tout entier à elle consacré, par le biais de deux cantates, entrecoupées de pièces instrumentales. La cantate française, calquée sur le modèle italien, se présente comme une scène d'opéra miniature, faisant se succéder récitatifs et airs. Les textes sont plus distants des mythes dont ils s'inspirent, et n'hésitent pas parfois à les parodier. Ainsi Rameau compose-t-il en 1721 cet Orphée, relatant, en quelques treize minutes, la douloureuse mésaventure du chanteur divin. La musique en est fluide et agréable, et Bennani y apporte un naturel charmant, qui ne peut que désarmer ("Elle a su réparer l'outrage que t'avait fait l'injuste sort"), sans négliger la tension dramatique requise par certains vers : "Amour, c'est toi qui fais mon crime, c'est à toi de le réparer." La deuxième cantate présentée est due à un musicien très inconnu, Philippe Courbois (1705-1730 ? - les dates sont incertaines). Sa cantate "Ariane", présente les mêmes caractéristiques que sa consoeur ramiste : 3 récitatifs, 3 airs, et relate l'éveil d'Ariane abandonnée à Naxos et sa rencontre avec Bacchus : "Du perfide Thésée elle perd la mémoire, et tout son coeur se livre à l'amour de Bacchus". On ne peut être plus explicite. La musique de Courbois se révèle très sensible, souvent virtuose (beau solo de violon de Domitille Gilon dans l'air "Dieu des mers"), sans perdre le sentiment joyeux demandé par l'air final. Michel Lambert (1610-1696), est surtout connu pour ses airs de cour, dont la forme mélodique devait inspirer son gendre, Jean-Baptiste Lully, pour ses propres airs d'opéras. Ombre de mon amant en est l'un des plus célèbres, enregistré déjà par, entre autres, le ténor Stephan Van Dijck (Accent). Hasnaa Bennani lui prête son timbre incomparable de soprano léger, dans un français impeccable, ce qui n'était pas le cas de Van Dijck. Accompagné par un théorbe délicat (Vincent Fluckiger), l'air tient plus de l'invocation que de la lamentation, comme un dialogue intime d'une âme éplorée avec son amant qui n'est plus. Un petit joyau. Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729) est appréciée pour sa musique de chambre et ses pièces de clavecin. Cette sonate n°1 en ré mineur pour violon, viole obligée et basse continue (1707), en sept mouvements contrastés, brille par de jolis morceaux rapides (le presto de la plage 11 et sa partie de clavecin tenue par Thomas Soltani) et par un bel "Aria" au profil très vocal, qui nous rappelle que cette aimable compositrice fut aussi auteur de cantates : dommage de ne pas  avoir profité de l'occasion pour en inclure une sur le présent CD, en lieu et place de cette suite instrumentale. Enfin, Marin Marais clôt le récital par une chaconne de 1692, intitulée "Trios pour le coucher du Roy". Tel quel, ce CD, à la prise de son nette et détaillée, nous aura fait entendre un Rameau peu fréquenté (Orphée), un compositeur à découvrir (Courbois) et surtout une voix exquise et idéale pour ce répertoire, accompagnée par un petit ensemble de huit musiciens à elle dévoués : une heure de plaisir à savourer sans modération !
Bruno Peeters

Son 10 - Livret  8 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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