Délicates Folies à la française

par

Marin Marais (1656-1728)
Pièces de viole du 2ème Livre, 1701. Suite en Ré – Suite en La – Suite en Mi.

Philippe Pierlot & Rainer Zipperling (basses de viole), Eduardo Egüez (théorbe), François Guerrier (clavecin)
DDD – 78’27’’ – Pas de texte de présentation – Flora 2511
Comme l’a si bien écrit Titon du Tillet dans le Parnasse français, « Marais a porté la viole à son plus haut degré de perfection […] il est le premier qui en a fait connaître toute l’étendue et toute la beauté ». Musicien de cour particulièrement respecté, élève le plus doué du célèbre Monsieur de Sainte-Colombe, engagé un certain temps comme assistant par Lully, Marin Marais apparaît bien comme le champion d’une école instrumentale résolument française au moment où l’influence italienne se fait chaque jour plus présente. Son imposante œuvre pour viole comprend essentiellement Cinq Livres édités entre 1686 et 1725. Chacun de ces Livres comprend plusieurs suites et quelques pièces diverses tels des « tombeaux » ou des cycles de variations. Le Second Livre, édité en 1701 et dédié au duc d’Orléans, ne fait pas exception à la règle, car il reproduit à plusieurs reprises le schéma traditionnel de la suite : prélude à la française de caractère plus ou moins improvisé, allemandes volontiers plus élaborées, courantes légères, gigues rapides, sarabandes graves. Viennent s’y intercaler d’autres pièces plus rares telles une Bourrasque virtuose, une page « en écho », ou encore une Pavane « selon le goût des anciens compositeurs de luth ». On trouve également ici deux Tombeaux (pour Monsieur de Sainte-Colombe et pour Lully), absents de cet enregistrement, et un cycle très développé de Variations sur le célèbre thème de la « Folie » (bien présent quant à lui). Que dire, sinon que les interprètes réunis pour l’occasion sont d’éminents spécialistes de ce type de répertoire ? L’impression générale va bien plus loin que la simple constatation d’une grande aisance technique. On parlera davantage de complicité, à savoir celle qui lie des artistes qui partagent un même idéal et peuvent ainsi parler d’une même voix sans pour autant perdre la capacité à y apporter leur couleur individuelle. On peut parler aussi d’expérience, laquelle, bien loin de tout sentiment de routine, permet de poser un discours pur et exigeant qui jamais ne s’arrête à l’expression d’une virtuosité de surface. On parlera même de sensualité, de vibrations intimes, qui expriment l’indicible en évitant les parfums trop capiteux. De quoi goûter à plein un moment de raffinement et d’émotion digne de l’idéal de subtilité revendiqué par la musique de chambre française de l’époque. Seul petit bémol, mais indépendant de la musique : ce disque n’est accompagné d’aucun texte de présentation. On voudrait faire la publicité du téléchargement numérique, traditionnellement moins coûteux, qu’on ne s’y prendrait pas autrement…
Jean-Marie Marchal
Son 8,5 – Livret 2 – Répertoire 8 – Interprétation 10

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