Dernière ligne droite avant la demi-finale

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… pour les douze derniers candidats à monter sur les planches du Studio 4 de Flagey. Plus de déceptions que de coups de cœur devant une salle comble.
Marina Nachkebiya (Géorgie, soprano) offre une prestation correcte : belle présence scénique dans "Pace, pace moi dio" (La Forza del destino), vibrato souple et bonne maîtrise de la structure générale. Elle change radicalement de style dans "Mesicku na nebi hlubokem" (Rusalka) avec des registres contrôlés et une belle souplesse générale.
La Française Elise Efremov poursuit l’épreuve avec un programme très (trop?) classique en arborant une dynamique proche de l’opéra comique. Elle ne convainc pas dans "Es bringe die Erde Gras hervor – Nun beut die Flur" (Die Schöpfung). Sa légèreté naturelle vient handicaper la justesse autant que le style. Mêmes remarques pour "Solitudini amiche – Zeffireti lusinghieri" (Idomeneo) avec des vocalises peu abouties et une ambiance générale assez neutre. En revanche, de très beaux aigus souples et précis.
Oleksandr Vozniuk (Ukraine, ténor) n’engendre pas non plus de réel enthousiasme. "Pourquoi me réveiller" de Massenet (Werther) manque cruellement d’intonation. Peu de contrastes et des aigus bien souvent forcés. Une seule nuance, forte, enveloppe l’œuvre. Meilleur choix avec "Tu, ca nun chiagne" de Ernesto de Curtis. S’il y met toute sa force et son cœur, le résultat reste moyen. Timbre dur, aigus pas toujours réussis. Ce jeune de 23 ans a encore le temps d’affiner sa technique.
Mêmes remarques pour Ilona Krzywicka (Pologne, soprano). Dans Massenet ("Celui dont la parole – Il est doux, il est bon", Salomé) comme dans Mozart ("Temerari, sortite fuori – Come scoglio", Cosi fan tutte), on regrette le manque d’initiatives et une approche identique des deux œuvres. Quelques imperfections viennent truffer le discours alors que le timbre des graves est intéressant.
Première révélation avec Sheva Tehoval (Belgique, soprano). Benjamine du concours, elle est accompagnée par un Jonas Vitaud particulièrement en forme. D’une manière élégante et naturelle, elle interprète "Mesicku na nebi hlubokem" (Rusalka) avec simplicité et efficacité. Technique aboutie, vibrato pur, intonation parfaite, c’est dans l’esprit du personnage de Norina qu’elle chante "Quel guardo il cavaliere - So anch’io la virtu magica" (Don Pasquale). Elle capte le style du personnage avec aisance tandis que les parties virtuoses sont particulièrement réussies.
Programme intéressant pour Yu Shao mais pas tout à fait réussi (Chine, ténor). Quelques soucis d’intonations dans Britten ("Since she whom il loved, John Donne"), un anglais parfois approximatif mais de belles idées musicales et une conduite intéressante du discours. Il poursuit avec Otto Nicolaï et "Horchn die Lerche singt im Hain" (Die lustigen Weiber von Windsor). Davantage convaincu, on apprécie son côté démonstratif, son aisance sur scène et ses aigus propres.

Après la pause, grosse déception avec Jungeun Kim (Corée, soprano). Son programme redoutable ne convient certainement pas à ce type d’épreuve. Avec "Partir, o ciel, desio" (Il Viaggio a Reims, Rossini), elle présente des problèmes de justesse, de stabilité, d’énergie tandis qu’elle chante avec désinvolture. Tempo peu entraînant, peu énergique pour "Der Hölle Rache koch tub meinem Herzen" (Die Zauberflöte). On ne comprend d’ailleurs pas le choix de cette pièce, ingrate avec piano, qui ne devrait être interprétée que lorsque l’on atteint un certain degré de technicité et de compréhension du discours.
Chant trop dans la gorge pour Anna Gorbachyova (Russie, soprano). Pour "Ah se in ciel, benigne stelle" de Mozart, elle ne semble pas sûre d’elle tandis que son timbre et son vibrato restent éloignés de Mozart. Petits soucis de justesse dans "Kaby znala ya" de Tchaïkovski même si l’œuvre lui convient davantage. Plus souple, plus lyrique et plus expressif mais pas complètement abouti.
Prestation en demi-teinte pour Hagar Sharvit (Israël-Allemagne, mezzo-soprano). Malgré un allemand et un anglais parfaits, la candidate ne démontre pas une véritable compréhension de l’œuvre dans "Gretchen am Spinnrade" de Schubert. Plus d’investissement aurait été souhaité alors que dans "She’s gone – New scenes of joy" (Theodora, Haendel), elle propose une forme générale construite mais ne parvient pas à captiver davantage l’auditeur. En revanche, belle technique et timbre intéressant.
Souffrante mercredi, Camille Schnoor (France, soprano) a finalement proposé une prestation de haut niveau ce soir. Forme aboutie pour "Gretchen am Spinnrade" de Schubert où l’on apprécie son énergie, sa construction de la structure générale jusqu’au climax et son ton solennel. Allemand pas toujours précis mais l’esprit général y est. Mêmes remarques pour "De cet affreux combat – Pleurez mes yeux" (Le Cid, Massenet) où l’on apprécie sa maîtrise et sa force scénique.
La Belge Jodie Devos conclut la soirée avec passion et précision. Sa lecture de "Je réchauffe les bons" de L’enfant et les Sortilèges est toujours aussi excellente tandis qu’elle commence ce soir par "Ganymed" de Wolf (meilleur choix selon nous). Très épuré et à la fois détendu, son timbre convient parfaitement à l’œuvre. Belle construction des phrases pour ce programme difficile. Félicitons également son pianiste, Daniel Thonnard, pour la grande délicatesse de son accompagnement.
Ayrton Desimpelaere
Flagey, le 16 mai, 20h 

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