Des Contes plein d'angoisses

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L’Opéra de Lyon présente « Les Contes d’Hoffmann » d’Offenbach dans une mise  en scène de Laurent Pelly de 2005 et une version basée sur la coédition de Michael Kaye et Jean-Christophe Keck avec des dialogues adaptés par Agathe Melinand. C’est une version assez inhabituelle mais intéressante avec une combinaison de dialogues parlés et récitatifs, des fragments peu connus à la place de numéros familiers, un acte vénitien qui se termine par la mort de Giulietta et un rôle plus important pour Stella.
Pour Pelly « Les Contes d’Hoffmann » n’est pas en premier lieu un opéra fantastique où dominent l’imagination et le merveilleux, mais une œuvre plutôt angoissante et sombre. Cette vision se traduit dans le décor de Chantal Thomas presque uniformément gris avec des parois s’ouvrant et se refermant sur les personnages, des escaliers mouvants qui les séparent et créent des espaces inquiétants, de longs rideaux de voiles qui cachent des mystères. Les chœurs en redingotes sombres sont assez menaçants et tout l’opéra répand une atmosphère de malaise et d’oppression. Cela aussi grâce aux interventions des chœurs excellents qui ne sympathisent guère avec Hoffmann et, en bloc, exigent avec force des boissons et des chansons.
Hoffmann ne se distingue physiquement pas vraiment de ses « amis » mais son « âme poétique » aspire à d’autres choses. John Osborn lui donne cette allure humaine et même vulnérable mais surtout chante le rôle d’une façon exemplaire. Sa voix de ténor claire, souple et homogène aux aigus faciles triomphe sans problème de la tessiture exigeante, et il projette le texte avec grande clarté et une diction sans faute. Son rival satanique est interprété avec grande allure et une voix de basse mordante par Laurent Alvaro qui donne à Lindorf, Coppélius, Docteur Miracle et Dapertutto le juste relief sans exagération. Angélique Noldus, grande et élancée, campe un Nicklausse idéal mais est aussi convaincante comme la Muse d’Hoffmann, les personnages auxquels elle prête sa voix de mezzo-soprano chaude et expressive . La jeune cantatrice américaine Talise Trevigne alternait avec la grande Patrizia Ciofi pour incarner les maîtresses d’Hoffmann : Olympia, Antonia, Giulietta et Stella. Au physique idéal elle ajoute une voix souple et virtuose qui triomphe sans problème des coloratures d’Olympia. Elle faisait ressortir toute la mélancolie d’Antonia mais la voix manquait un peu de chaleur. A Giulietta, elle donnait l’allure sinon le poids vocal nécessaire, et elle était une Stella très diva. Cyrille Dubois faisait du très bon travail comme Andrès, Cochenille, Frantz et Pitichinaccio, Peter Sidhom prêtait sa voix robuste à Maître Luther et Crespel, et les autres rôles étaient bien tenus. Kazushi Ono conduisait l’Orchestre de l’Opéra de Lyon avec une main ferme et un bel élan dramatique. Les différents actes avaient leurs atmosphères propres et l’angoisse de la production se traduisait aussi dans les couleurs de l’orchestre aux accents émouvants et mystérieux, à la belle sonorité et aux nuances subtiles.
Erna Metdepenninghen
Lyon, Opéra National, le 18 décembre 2013

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