Des reprises pareilles, on en redemande !

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© Annemie Augustijns

Reprise d'une production de décembre 1993 : un spectacle qui n'a pas pris une ride en 22 ans. Voilà ce qui arrive lorsque le metteur en scène se met totalement au service de la partition. Robert Carsen a donné, pour l'opéra de Flandre, tout un cycle Puccini, dont cette Bohème. Pris par la main, le spectateur pénètre avec confiance au coeur de l'inspiration du musicien, en suivant l'intrigue, le plus simplement possible. Pas de transpositions, de contorsions textuelles ou de scènes provocatrices. Une mansarde réduite à un poêle avec tuyau jusqu'aux cintres, deux chaises, une table, une trappe. Le café Momus ? Quelques tréteaux, des chaises, une jolie lumière orange et de la fumée. Un mur noir percé d'une fenêtre éclairée, et voici la Barrière d'enfer. Ces éléments de décors suffisent à créer l'ambiance de la petite histoire toute simple qui se déroule. Et la direction d'acteurs, très serrée, porte l'action tout au long du spectacle, de la joyeuse exaltation des quatre bohémiens jusqu'au dénouement. La fin est triste, bien sûr, mais non tragique : sur un parterre de jonquilles - le dernier acte se passe au printemps - tous quittent la scène, chacun vers son avenir, et Rodolfo, à son bureau, se remet à écrire : Mimi est partie, la vie continue. Ce dénuement extrême prend à la gorge. La distribution réunie pour cette reprise était remarquable. A commencer par Monica Zanettin, élève de Mirella Freni, dont la Mimi, forte en même temps que fragile, a ému un public conquis par son élan si sincère. Beau Rodolfo de Luciano Ganci : son timbre, lyrique et léger, se mariait idéalement avec celui de ses partenaires dans les duos et le quatuor de l'acte III. Assez dominateur William Berger campait un Marcello sonore sans doute, mais respectant son rôle d'ami fidèle : le duo avec Mimi au III était prenant. Le jeune Léonard Bernad, que nous avions pu apprécier récemment dans Armida de Rossini, a bien déclamé sa Vecchia zimarra, et James Homann incarnait un vigoureux Schaunard. Quant à la brillante Musetta toute rousse de Hasmik Torosyan, elle a dominé la scène du Café Momus, comme demandé. Une très grande part du succès de ce spectacle est due au chef d'orchestre Antonino Fogliani. Spécialiste de l'opéra italien (il est le directeur musical du festival Rossini de Wildbad), il a galvanisé l'orchestre maison en soulignant avec attention et affection tous les détails de l'orchestration de Puccini - et Dieu sait combien ils sont nombreux dans La Bohème ! Jeu d'ensemble des cordes, délicatesse des vents, mise en valeur des enchaînements harmoniques : c'est à se demander si l'orchestre de l'opéra de Flandre n'est pas actuellement le meilleur orchestre d'opéra du Royaume. Un très beau spectacle : des reprises pareilles, on en redemande !
Bruno Peeters
Opera Vlaanderen, Anvers, le 20 décembre 2015

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