Deux sommets de somptuosité orchestrale

par
Strauss

Richard STRAUSS
(1864 - 1949)
Eine Alpensinfonie, op. 64 - Tod und Verklärung, op. 24
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, dir.: Mariss JANSONS
2016-Live-75' 10''-Notice en allemand et en anglais-BR Klassik 900148

En 1965, la Symphonie alpestre, créée en 1915, apparaît "insupportable" à Antoine Goléa, éminent biographe du compositeur. Il en fustige le "comble d'artifice", et "l'inspiration thématique creuse, vulgaire, banale". Vingt ans plus tard, François-René Tranchefort, dans son fameux "Guide de la musique symphonique" (1986), déclare que "souvent calomniée, elle n'est pas inécoutable" : la considération a évolué. Qu'apercevons-nous trente après ? Loin d'être tombée dans l'oubli total que lui destinait Goléa, l'oeuvre est devenue l'une des plus populaires de Strauss, souvent jouée, et l'on en compte au moins 70 enregistrements. Ecrite par un virtuose pour faire briller le grand orchestre symphonique de tous ses feux, elle ne peut manquer d'impressionner par la description minutieuse des divers événements rencontrés par le randonneur de cette journée alpestre. Le plageage précis du CD (21 morceaux) aide à l'accompagnement enthousiaste de l'auditeur. Mais il n'est pas interdit d'aller plus loin, et de se trouver ému à l'écoute de la Nature et de ses oeuvres, vues par le bavarois Strauss. La promenade dans le sous-bois (4-5), l'apparition (7) - de qui ? une nymphe ?, la vision au sommet (14), l'élégie dans le brouillard (17), ou le coucher de soleil tant attendu après une journée harassante (20), ne sont que quelques exemples  de ces instants captivants dont regorge la partition. L'Orchestre symphonique de la Radio Bavaroise avait déjà enregistré cette symphonie, en 2014, sous la baguette spectaculaire de Franz Welser-Möst. Deux ans après, Mariss Janssons tente une approche plus douce, plus poétique, plus détaillée surtout. L'attente avant la tempête (18) témoigne ainsi de l'extraordinaire raffinement sonore de l'écriture de Strauss, tout comme, bien sûr, l'orage qui suit, dont on ne peut qu'admirer l'agencement. Mais déjà dans l'apparition, puis la  montée aux alpages (9), le chef porte une attention constante à la beauté instrumentale, et met ses musiciens en valeur : flûte, hautbois, cors, mais aussi les deux harpes, le glockenspiel ou l'orgue. Précisons que cette oeuvre a été enregistrée live à la Philharmonie am Gasteig de Munich, et l'autre à l'Herkulessaal. Beaucoup plus court, et bien antérieur (1888), le poème symphonique "Mort et Transfiguration" compte aussi parmi les oeuvres les plus courues de son auteur. L'on peut se passer de l'argument (les derniers moments d'un moribond et son entrée dans un monde meilleur) ou au contraire en vouloir suivre les détails tels qu'ajoutés après la composition : il en reste une belle page orchestrale, composée avec la plus grande rigueur, dans la tradition lisztienne. Dès la mystérieuse introduction, qui sourd du silence, Jansons impose un climat oppressant, que dépeignent admirablement flûtes, harpes ou violon solo. Le chef fera ensuite étinceler les timbres de son orchestre dans le flamboyant allegro, qui développe les thèmes de la Vie et de l'Idéal. Comme le pitoyable mourant, l'auditeur percevra les souvenirs de la vie passée, souriant soudain à l'évocation d'amours anciens (l'envolée amoureuse des cordes à 11' 10'', semble annoncer le climat du Chevalier à la rose !). Mais les timbales scandent la Mort, et un long crescendo ouvre la voie à la Transfiguration finale : la coda plane dans la lumière dorée de l'éternité. Une version splendide, qui clôture un CD d'une richesse somptueuse, et devrait plaire à tous les amateurs de grand orchestre sans doute, mais aussi à tous les admirateurs de Richard Strauss, ce compositeur "à qui l'on doit parmi les plus merveilleux plaisirs de la musique" (Claude Rostand).
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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