Die Schöpfung : Haydn et Jacobs au sommet

par

B’Rock/Collegium Vocale Gent/ René Jacobs (dir.)/Sophie Karthäuser (soprano), Maximilian Schmitt (ténor), Johannes Weisser (baryton)
Autant de fois qu’on l’entende, la Création de Haydn est l’un de ces chefs-d’oeuvre qui remplissent l’auditeur à la fois de sincère admiration et de pur bonheur à l’écoute de la rayonnante beauté que nous offrent tant la science que l’inspiration du génial compositeur.
Il convient de dire que le public du Palais des Beaux-Arts fut particulièrement gâté de se voir proposer ce merveilleux oratorio dans une interprétation de si haute qualité. Le mérite en revient en premier lieu à René Jacobs qui démontra, une fois de plus, que, peu importe le répertoire qu’il aborde, le chef gantois remplit invariablement d’une vie bouillonnante tout ce qu’il touche. L’allure bonhomme, la gestique claire et sans la moindre exagération du chef ne sont que le reflet de sa parfaite connaissance de la partition et de la calme maîtrise avec laquelle il conduisit ses troupes. Là aussi, il faut dire qu’il eut à sa disposition des collaborateurs de premier choix en la personne de l’excellent orchestre belge B’Rock, dont la sûreté d’exécution dans toutes les sections -tant les cordes justes et ductiles, les bois chaleureux et souples, que les cuivres attaquant leurs difficiles parties avec beaucoup d’assurance- firent forte impression. Quant au Collegium Vocale de Gand, il fit honneur à sa réputation par une prestation de qualité. Ici la superbe qualité vocale et la transparence qu’il est possible d’obtenir d’un ensemble, de taille réduite certes (32 exécutants), mais rompu à la pratique de tant de répertoires (à commencer par le baroque) n’auront certainement pas fait regretter les formations chorales plus imposantes que certains préfèrent dans ce type d’oeuvres.
La seule réserve qu’appela la soirée fut la prestation assez inégale de Johannes Weisser. Après une Représentation du Chaos qui manquait peut-être un peu de mystère de la part de Jacobs, le baryton norvégien entama son premier récitatif non pas comme un narrateur biblique plein d’assurance, mais comme dans un souffle, la voix réduite à un mince filet et sur un ton hagard et incrédule, comme si le fait d’énoncer le début du récit de la Création l’avait frappé d’indicible stupeur. A moins peut-être qu’il ne se fut agi plus prosaïquement d’une -on l’espère, passagère- méforme de ce jeune artiste dont la voix semblait curieusement fatiguée, voire prématurément usée, alors qu’on l’avait connu comme un Don Giovanni plein de sève il y a quelques années sur cette même scène et sous la battue du même chef. Il convient de reconnaître que le chanteur se reprit quand même par la suite, en particulier dans la troisième partie de l’oeuvre où il incarna un Adam nettement plus convaincant.
Des deux autres solistes, on ne dira que du bien. Maximilian Schmitt est l’exemple même du ténor à l’allemande au timbre un peu nasal et pincé, à la diction toujours claire et à l’intelligence musicale et du texte jamais prise en défaut. Quant à notre compatriote Sophie Karthäuser, sa prestation n’appelle que des éloges: la beauté du timbre, la perfection de sa technique, sa grâce aérienne et désarmante furent un enchantement de bout en bout.
Patrice Lieberman
Bruxelles, Bozar, le 28 septembre 2015

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