Diptyque singulier peut-être, mais très réussi

par

JOKERJohannes BRAHMS
(1833-1897)
Concerto pour violon op. 77 (1)
Béla BARTOK
(1881-1945)£
Concerto pour violon n°1 Sz. 36 (2)
Janine JANSEN (violon), Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia (1) - London Symphony Orchestra (2) - dir. : Antonio PAPPANO
2015 - DDD - live (1) - 59' 08''- Texte de présentation en anglais, français, allemand et néerlandais - Decca 478 9216

Couplage curieux et inédit, sans doute, que Janine Jansen explique par un partage d'"un caractère hongrois et d'une profonde combinaison alliant pouvoir symphonique et intimité chambriste". Elle poursuit en confiant qu'il lui était essentiel de "trouver un chef avec lequel elle ressentait une forte connexion". Je lui laisse la responsabilité de ses propos, mais ne peux nier la parfaite réussite de ce mélange d'oeuvres détonnant, et de l'alliance avec Antonio Pappano. Dès les premières mesures de l'illustre op. 77 de Brahms, on admire l'orchestre italien,  bien façonné par Pappano, qui le dirige en respectant le coloris si particulier de l'orchestration, avec une évidence loin de toute brutalité, et en soulignant l'assise des basses, fondamentale chez Brahms. Maniant son Stradivarius de 1727 avec une suprême élégance, Janine Jansen plane au-dessus de l'orchestre, telle une créature céleste de pure beauté. Sa musicalité éclate dans la grande cadence de Joachim. Ecoutez, à 20' 15'', sa rentrée, si douce et si délicate : un miracle de raffinement. Cette pureté de son se retrouve dans l'adagio introduit par la sublime mélodie du hautbois solo (Francesco Di Rosa). Pappano pare sa soliste d'un écrin de tendresse d'où elle ressort encore plus souveraine. Le finale se jouera sans ce contraste brutal qui avilit tant de versions. Janine Jansen s'imbrique dans la trame délicatement dansante, comme dans une symphonie concertante.
Réussite de jeunesse, le premier concerto de Bartok a été écrit avec amour  en 1908 pour la violoniste Stefi Geyer, passion non partagée hélas ! Le compositeur en recycla le premier mouvement dans ses Deux Portraits op. 5. Il débute à nu, par une superbe mélodie du violon, en ré majeur (comme le concerto de Brahms, Jansen dixit). Antonio Pappano accompagne sa soliste avec puissance, avec ardeur,  durant tout ce mouvement, en un long crescendo qui aboutit à une coda tendue, sublimation d'une pureté cristalline (7' 15''). Le second mouvement est aussi virtuose pour le violon que brillant pour l'orchestre : quelle ivresse du son ! On y admire la précision diabolique des traits dont Jansen se joue à merveille, tout comme la poésie de la flûte, du cor ou de la harpe du LSO : sa sonorité enveloppante et chaleureuse s'adapte bien au caractère rhapsodique de ce finale (la splendeur des cuivres, à la fin !), maîtrisé à la perfection par un Pappano souverain. Cette version est digne de succéder à celle d'Oïstrakh-Rojdestvenski, sans aucun doute.
Certains exemplaires de cette production se voient augmentés d'un second CD, intitulé "Best of Janine Jansen", d'une durée de 62 03''. C'est une pure compilation d'enregistrements de 2003 à 2013. Air ou badinerie de Bach, printemps des Saisons de Vivaldi, mélodies transcrites de Fauré et Debussy, ou romance du "Taon" de Chostakovitch, etc. Deux pièces un peu plus consistantes : le mouvement lent du premier concerto de Bruch, et The Lark Ascending de Vaughan Williams.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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