Éloge de la lenteur

par

Cantante e tranquillo
Keller Quartett, Alexei LUBIMOV (piano)
2015–DDD–644 52’’–Texte de présentation en allemand et en anglais–ECM 2324 481 1052

Voilà un disque très original, qui a la particularité de réunir quatorze morceaux lents – tantôt des pièces lentes sui generis, tantôt des mouvements lents de quatuor à cordes, tantôt encore des mouvements lents d’autres partitions, mais transposés pour un quatuor à cordes, à l’instar de deux extraits de L’Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach. En réalité, en dehors de ces deux extraits, le programme retenu ici tourne essentiellement autour de la figure tutélaire de Ludwig van Beethoven avec le Quatuor n° 13 en si majeur et le Quatuor n° 16 en fa majeur, mise en parallèle avec des compositeurs du XXe siècle : György Ligeti, Alfred Schnittke, Alexander Knaifel et György Kurtag, ce dernier étant le plus interprété avec six pièces lentes, quoiqu’il s’agisse chaque fois de pièces extrêmement courtes (l’Officium breve in memoriam Andreæ Szervanszky ne durant par exemple qu’une minute et vingt secondes). L’agrément consiste à écouter les quatorze morceaux en continu, un peu comme si on était en présence d’une seule et même œuvre, et que celle-ci était sujette à de curieuses et énigmatiques variations – des variations abolissant le temps. Par là, et peut-être paradoxalement, on mesure mieux l’immense, l’extraordinaire modernité du Cantor et du Maître de Bonn, et on voit à quel point l’héritage qu’ils ont laissé est considérable, pour ne pas dire éternel. Ce disque constitue aussi un fort beau montage puisque les quatorze morceaux choisis proviennent d’enregistrements réalisés par le Keller Quartett (fondé à Budapest en 1987), entre 1995 et 2012. Une sorte d’éloge insolite de la lenteur musicale.
Jean-Baptiste Baronian

Son 9 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 9

Les commentaires sont clos.