Enfin un nouveau Prophète

par
Le prophète

Giacomo MEYERBEER
(1791 - 1864)
Le Prophète
John OSBORNE (Jean de Leyde), Marianne CORNETTI (Fidès), Lynette TAPIA (Berthe), Albrecht KLUDSZUWEIT (Jonas), Pierre DOYEN (Mathisen), Tijl FAVEYTS (Zacharie), Karel Martin LUDVIK (le Comte d'Oberthal)
Opernchor, Extrachor und Kinderchor Des Aalto-Musiktheaters, Essener Philharmoniker, dir.: Giuliano CARELLA
Live-70'37'', 74'19"" et 69'53''-Textes de présentation en allemand et en anglais-chanté en français, livret en français, allemand et anglais-Oehms OC 971

2017 aura été une année bénéfique pour le troisième des quatres grands opéras de Meyerbeer, celui qui, finalement, est le moins représenté. Les théâtres de Essen, Toulouse,  puis enfin Berlin, l'ont monté cette année, dans trois productions différentes. Quelle manne ! Le coffret de 3CD que voici est le reflet de la première de ces trois représentations, celle du théâtre Aalto de Essen, enregistrée en avril-mai 2017. Le livret est peut-être le meilleur que Scribe écrivit pour Meyerbeer : tout se centre sur le personnage de Jean de Leyde qui, dans les années 1530, créa un éphémère royaume théocratique à Münster, dans les provinces allemandes ravagées par les guerres. Après un couronnement grandiose, ce cabaretier d'origine se révéla un tyran de la pire espèce et finit exécuté. Son histoire est rapportée par Voltaire dans son Essai sur les moeurs et l'esprit des nations. Très habile, Scribe suit l'évolution du bonhomme, qui va délaisser son amoureuse Berthe, pour se laisser peu à peu envoûter par trois anabaptistes qui croient avoir vu en Jean un nouveau Messie. Seule sa mère, Fidès, ler soutiendra, sans parvenir à entraver la trajectoire grotesque et pitoyable de son fils, qui trouvera la mort après une gloire très temporaire. La religion se situe au centre de l'oeuvre de Meyerbeer : voyez Robert le diable ou Les Huguenots. Ce compositeur juif voulait, déjà, avertir ses contemporains du danger que pouvait apporter une politique menée au nom de Dieu. Le Prophète nous était familier par deux versions discographiques dirigées par Henry Lewis, avec son épouse Marilyn Horne (Fidès), l'une avec James Mac Cracken en Jean (Sony, 1976), l'autre, supérieure à mon avis, avec Nicolaï Gedda (Myto, 1970). Que dire de ce live ? Avant tout, un grand coup de chapeau au chef italien Giuliano Carella, qui approche une partition très longue et très fouillée (c'est l'opéra que Meyerbeer a le plus travaillé) avec une maestria remarquable. Tant dans les aspects ludiques (le choeur d'entrée, la valse du II, le fameux ballet des patineurs) que dans les moments impressionnants comme l'hymne héroïque de Jean "Roi du Ciel et des anges" ou la spectaculaire scène du couronnement, il se révèle attentif et à la hauteur du "style Grand Opéra." Ce genre demande, on le sait, des voix exceptionnelles, qui reviennent au premier plan de nos jours, et peuvent donc faire renaître un répertoire que l'on craignait disparu. Parmi les grands ténors héroïques actuels, John Osborn se distingue certes par la puissance, mais aussi par un beau sens des nuances, qui lui permet de bien caractériser le rôle de Jean de Leyde, personnage faible, finalement, et incapable de décision (comme Robert ou Vasco de Gama). Et quelle délicatesse dans ses adieux à sa mère : "Et son enfant la fuit et la délaisse", à l'acte II ! Le rôle de la mère, Fidès, est essentiel. Conçu pour sa créatrice, Pauline Viardot (soeur de la Malibran), il est lourd, mais exaltant. Moins souveraine que Marilyn Horne, qui s'est un peu approprié le rôle, Marianne Cornetti se révèle plus fragile, plus mère que star. Tant dans "Ah mon fils" que dans sa supplication de mendiante, ou l'admirable "Mes yeux n'ont plus qu'à pleurer" du duo avec Berthe à l'acte IV, elle convainc aisément. Quant à Berthe, dès son air d'entrée "Mon coeur s'élance et palpite", Lynette Tapia charme, ce qui est le propre du rôle, même lors de sa mort à l'acte V, enjolivée par le saxophone solo. Très présents, les trois anabaptistes n'exagèrent pas, et la grande scène de Zacharie qui ouvre l'acte III "Aussi nombreux que les étoiles" est bien déclamée par Tijl Faveyts. L'Oberthal correct de Ludvik ne fait pas oublier notre impayable Jules Bastin chez le Lewis de 1976.
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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