Enfin une réussite à Genève :   Iphigénie en Tauride

par

© GTG - Carole Parodi

Avec  Iphigénie en Tauride de Gluck, le Grand-Théâtre de Genève présente la meilleure production de sa saison grâce à la prise de rôle d’Anna Caterina Antonacci, la direction musicale de Hartmut Haenchen et la mise en scène de Lukas Hemleb. Les décors d’Alexander Polzin consistent en une arène semi-sphérique pivotant pour nous livrer un mur couvert de graffitis où s’encastrera le cachot de Pylade et d’Oreste. Les costumes d’Andrea Schmidt-Futterer ont de violents coloris qui contrastent avec les masques blancs que portent tant les protagonistes que les gens du peuple. Et la régie de Lukas Hemleb, largement tributaire de l’univers théâtral extrême-oriental, double chacun des pivots du drame d’une gigantesque marionnette qui semble prolonger leurs émotions dans des mouvements chorégraphiques imaginés par Joanna O’Keefe.                                     L’intelligence de cette conception scénique est largement secondée par la direction musicale de Hartmut Haenchen qui, dès la scène d’orage du début, allie la précision du trait au souffle tragique qui emporte tous les ensembles avec le chœur, remarquablement préparé par Alan Woodbridge. Sur scène, Anna Caterina Antonacci s’empare du rôle-titre en lui conférant immédiatement la stature dramatique de ses Cassandre ou Médée. Le haut medium est parfois tiré à l’extrême, ce dont l’artiste sait tirer parti pour susciter une émotion confinant à l’insoutenable. Face à elle, l’Oreste de Bruno Taddia fait oublier son bien triste Comte des  Nozze di Figaro  en campant un personnage stoïque aux prises avec son destin, dans une élocution française de bonne qualité. Tout aussi remarquable est le Pylade de Steve Davislim jouant des inflexions claires du timbre pour exprimer sa magnanimité.  Alexey Tikhomirov personnifie un Thoas imbu de son autorité, quand Julienne Walker prête à Diane l’aplomb de la dea ex machina.
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 29 janvier 2015

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