Equilibre parfait entre la mise en scène, la musique et… le propos du livret

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Dernier opéra de Richard Strauss, Capriccio a été créé en 1942. Même si Die Liebe der Danae ne fut représenté  qu'après la mort du compositeur, celui-ci l’avait composé avant, de sorte que Capriccio peut vraiment passer pour son testament lyrique. Avec ces opéras, Strauss disait adieu aux deux passions, qui l'ont poursuivi sa vie durant : l'Antiquité et le XVIIIème siècle.

Capriccio se présente, formellement, comme un opéra à déclamation continue (à l'instar du prologue d'Ariadne auf Naxos, ou d'Intermezzo) qui réfléchit sur lui-même, le thème étant le rapport, dans le genre lyrique, entre texte et musique. Tous ces éléments imbriqués en font une oeuvre unique, passionnante sans doute, mais difficile à monter. C’est ici qu’a éclaté la réussite du metteur en scène David Marton, toute en discrétion. Le décor représentait une scène de théâtre vue de profil, érigée pour l'exécution de l'opéra prévu, musique de Flamand, livret d'Olivier, et régie de La Roche. Tout ce petit monde s'agite devant la scène, discute, discourt galamment, ou vitupère contre la décadence des moeurs théâtrales. L'ensemble est très vivant, et on ne s'ennuie pas une seconde, malgré une intrigue si ténue. Même lorsque les six protagonistes s'installent carrément, à l'aise, sur des chaises et commencent à discuter de Gluck et de Piccini, on les suit, avec intérêt. Il faut ici saluer la direction d'acteurs, bien entendu essentielle. Certains solistes se montraient d'ailleurs excellents acteurs aussi, tel le directeur de théâtre La Roche : Kristinn Sigmundsson a ravi tant ses collègues sur scène que ses spectateurs dans la salle, par une exubérance bienvenue, tempérant le wagnérisme de ses interventions. Ce même tempérament brillait chez Charlotte Hellekant, Mademoiselle Clairon des plus à l'aise, même si elle manquait un peu de puissance au début ; mais s'affirma ensuite. Dietrich Henschel composait un comte sonore, mais, frère de la comtesse, un peu fripon... Si Olivier, chanté par Lauri Vasar, excellait surtout dans les ensembles (le trio de la première partie, par exemple), le Flamand d'Edgaras Montvidas, ténor bien connu des productions du Palazzetto Bru Zane, a charmé par un legato charmant et idéal. Suprême meneuse de jeu, Sally Matthews, en comtesse Madeleine, menait son petit monde à la baguette, alternant amusement attentif et mélancolie passagère. Gardons-nous d'oublier le duo des chanteurs italiens (Elena Galitskaya et Dimitri Ivanchey), le très rigolo mais éphémère Monsieur Taupe de François Piolino, et le majordome amoureux de Christian Oldenburg, fort présent. Les choeurs n'ont pas grand-chose à faire, mais ils ont très bien diverti dans leur scène des domestiques "Das war ein schöner Lärm", tout comme le petit trio instrumental, responsable des divertissements (violon, violoncelle, clavecin). Enfin, Lothar Koenigs a accompagné cette oeuvre si délicate de main de maître, du fragile sextuor à cordes d'ouverture jusqu'au doux solo de cor illuminant le monologue final.
Bruno Peeters
Palais de La Monnaie, le 5 novembre 2016

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