Exil et Musique par Etienne Barilier
La musique dans l'exil, et la musique de l'exil.
Comment l’éloignement contraint de leur terre d’origine a-t-il affecté les œuvres des musiciens qui ont vécu cette épreuve ? C’est à cette question qu’Étienne Barilier tente de répondre en scrutant les œuvres qui expriment, voire thématisent l'exil.Selon le contexte historique (insurrection polonaise, révolution russe, stalinisme, nazisme...) ou l'« issue » de leur exil, il évoque ceux pour qui cela ne semble pas avoir eu grande conséquence sur leur puissance créatrice (Stravinsky, Schönberg, Milhaud) et ceux chez qui l'exil a tari peu ou prou la veine créatrice (Rachmaninov, Bartók); le retour peut être plus ou moins catastrophique (Prokofiev ou, dans des circonstances tout autres, Korngold). Un exil intérieur peut être contraignant jusqu'à la mort (Chostakovitch, Weinberg, Feinberg); il a aussi été prélude à l'assassinat en camp d'extermination, et suscité des œuvres de résistance (Ullmann, Schulhoff). Zemlinsky, Hindemith, Kurt Weill et bien d’autres illustreront ici comment le plus immatériel des arts, la musique, peut incarner le déchirement, la séparation et la permanence d’une identité.
De cette fracture intime que le XXe siècle a lestée de sa douleur propre, Étienne Barilier développe des enjeux de civilisation qui, bien au-delà de la musique, touchent durablement notre époque.
Un ouvrage bien documenté, très sensible et à l'écriture fluide, suivi d'un index.
Bernadette Beyne
2018, Editions Fayard, 219 pages, 15 €