Festival de Namur : L'orfèvre Alarcon et ses trésors

par

Le Choeur de Chambre de Namur était sur la scène de l'Eglise Saint-Loup ces mardi 8 et mercredi 9 juillet. Le concert de mardi initialement prévu à 20 h a dû être dédoublé tant les réservations étaient nombreuses. Il faut dire que l'oratorio Il diluvio universale de Michelangelo Falvetti (1642-1692) connaît un retentissant succès depuis sa création au festival d'Ambronay en 2011 par les mêmes interprètes. Alarcon nous raconte lui-même le contexte de la découverte de cette partition : « Lors d'une répétition à Palerme le 18 juillet 2002, Vincenzo Di Betta, un ténor du choeur Antonio il Verso, m'a tendu une partition qui, disait-il, pouvait certainement m'intéresser: un Dialogo écrit en 1682 par Michelangelo Falvetti, compositeur calabrais et maître de chapelle au Duomo de Palerme et plus tard de Messine. Dès la première lecture, je fus surpris par l'oeuvre qui ne me semblait pas être un oratorio ou un drame sacré classique. J'avais dans mes mains une partition oubliée depuis trois siècles mais d'une originalité sans pareille dans l'histoire de l'oratorio italien. Le livret, écrit par Vincenzo Giattini, avait permis à Falvetti d'exploiter le drame avec un génie très rare dans les oeuvres de cette époque. » En effet, le traitement musical de ce chapitre de l'Ancien Testament ne manque pas d'originalité. La Justice Divine et les Quatre Elements n'ont aucune pitié pour la race humaine afin d'accomplir le jugement de Dieu. L'horreur est traduite par des procédés madrigalesques modernes : le choeur pleure et gémit en poussant des cris, la dernière syllabe de certains mots n'est pas prononcée quand le choeur est englouti sous les eaux. La Mort est un des personnages le plus typés de cet oratorio. Qui plus est, ce personnage est campé par un contre ténor (et non par une basse faustienne!) et il danse une joyeuse tarentelle pour fêter sa victoire ! Saluons la performance scénique de Fabian Schoffrin en une Mort suscitant tantôt de l'effroi, tantôt de la sympathie. Si on a retrouvé les parties de choeur pratiquement intactes, le choix de l'instrumentation est d'Alarcon. Il nous offre des couleurs chatoyantes avec deux saqueboutes, une harpe, deux théorbes pour le continuo ou encore des cornets. Mais l'heureuse trouvaille du maître argentin est l'ajout de percussions iraniennes avec Keyvan Chemirani. Son apport est subtil et génial. Il joue un rôle important dans la réussite de ce projet, tout comme les brillantissimes Thomas Dunford et Francisco Juan Gato aux luths. Le choeur est rôdé et chante à la perfection : justesse vocale, équilibre, style juste. La gestion de l'espace est simple mais soignée et efficace. Mention spéciale pour les performances solistes de Fernando Guimares (Noé), Mariana Flores (Rad) et Evelyn Ramirez Munoz (La Justice Divine). Ce chef-d'oeuvre de Falvetti et d'Alarcon a été acclamé par le public !

Le mercredi soir, le Choeur de Chambre de Namur nous revient dans un tout autre registre. Mais là encore, Alarcon prouve sa faculté à dénicher des trésors oubliés avec deux requiems datant du 17e siècle et composés par des compositeurs siciliens : Mario Capuana (ca. 1600-1647) et Bonaventura Rubino (ca. 1600-1668). Ces deux Requiems viennent d'être gravés sur CD et seront à découvrir absolument ! Nous ne manquerons pas de vous en parler. L'effectif du choeur était très différent de la veille. Plus de la moitié des choristes chantaient pour la première fois sous la direction d'Alarcon. Mais le choeur n'en a pas perdu son excellence pour autant.

Et entre les deux concerts .... On a fait la fête à la mode balkanique et klezmer avec le sympathique groupe Nihil Obstat. Ils allient fraîcheur, sens du rythme et du spectacle et virtuosité dans un répertoire fait pour danser. D'ailleurs certains n'ont pu résister aux fourmis qui leur couraient dans les jambes !
Michel Lambert
Namur, Eglise Saint-Loup, Théâtre, les 8 et 9 juillet 2014

Les commentaires sont clos.