France Belle Epoque et piano

par

Cécile CHAMINADE (1857 - 1944)
Sonate opus 21 - Etudes
Johann BLANCHARD (piano)
2015-SACD-78'10-Textes de présentation en anglais, français et allemand-MDG 904 1871-6

Il y a quelques années de cela, Hyperion nous avait gratifié d'une précieuse série de trois disques dévolus à l'art charmant de Cécile Chaminade, qui nous aidaient beaucoup à la découverte d'une compositrice au parcours particulièrement remarquable et prolixe (près de 400 compositions) et dont la reconnaissance par ses pairs lui valut d'être décorée de la légion d'honneur en 1913. Déjà jugé démodé dès la fin de la première guerre mondiale par un monde bouleversé, son style volontiers « de salon » et orienté vers la « petite forme » fut définitivement « déclassé » après 1945. Sa mort, le 13 avril 1944 à Monte Carlo, passa quasiment inaperçue: l'Histoire avait les yeux tournés dans une tout autre direction... L'écoute explique-t-elle ce déni? Avant tout, avouons notre légère irritation à la comparaison des programmes Hyperion et MDG. Devant tant d'inédits à sa disposition, pourquoi Blanchard s'impose-t-il la concurrence dans la plus grande partie de ses choix? En effet, seules les Etudes de concert opus 35, les Etudes romantique opus 132 et humoristique opus 138, ainsi que Souvenir d'enfance, soit exactement la moitié de la durée du disque, ne se retrouvent pas dans l'anthologie de Peter Jacobs. Et si l'on compare ce cd avec tout ce qui a été enregistré jusqu'à présent, seul ce Souvenir d'enfance de 2'42 est réellement inédit. Qu'en est-il de la musique? Le pianiste défend ces pages avec une conviction incontestable, avec un beau talent et beaucoup d'élégance; il est vraiment agréable d'entendre un tel piano, sobre et « bien tempéré ». Mais sera-ce un crime d'écrire que ces partitions pèchent par un excès de redites, par la banalité des mélodies? On pense très souvent à Schumann, Mendelssohn, Chopin, mais sans rien de ce qui nous les rend si chers. Le plus intéressant réside peut-être dans les Etudes opus 35, si proches de l'univers des Romances sans paroles du cher Félix. Mais pourquoi ne s'envolent-elles pas, ne quittent-elles pas leur clavier à l'instar de leurs consoeurs? Et pourquoi s'acharner à vouloir s'attarder quatre à six minutes lorsque tout est dit en deux? Musique de salon de qualité, sans conteste. Mais est-ce suffisant? Il est à craindre qu'un tel disque ne soit réservé à celui qui thésaurise la moindre piécette qui ait été destinée au piano. L' « honnête mélomane », lui, risque fort de trouver le temps long... Quand un éditeur courageux nous proposera-t-il son opéra La Sévillane, sans aucun doute plus consistant?
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 8

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