Gloire immortelle à un aïeul de la presse musicale

par

Henry Prunières (1886-1942)
Un musicologue engagé dans la vie musicale de l'entre-deux-guerres
La Revue musicale : revue mythique pour les plus anciens d'entre nous ! Créée en 1920, elle cessera de paraître à la mort de son fondateur, Henry Prunières, en 1942. C'est tout à l'honneur de la Société française de musicologie de sortir un épais volume consacré à cette figure incontournable de l'histoire de la musique en France que fut Henry Prunières. Fondateur de la première revue consacrée exclusivement à la musique classique, il a également été un musicologue de première envergure, spécialisé dans l'opéra baroque français et italien, éditeur de l'oeuvre complet de Lully, observateur attentif de la création contemporaine de son temps et critique musical avisé. L'ouvrage collectif que voici tente d'appréhender les différents visages de cet homme remarquable. Il s'ouvre par une brève biographie (Myriam Chimènes). Né dans une famille cultivée, Prunières rencontre Romain Rolland, qui deviendra son mentor à vie, et l'orientera vers une branche alors négligée de l'histoire de la musique : la musique ancienne. Il publiera de nombreux ouvrages dont le justement célèbre L'Opéra italien en France avant Lully (1913). Un peu après la première guerre mondiale naîtra l'idée de La Revue musicale, qui accaparera désormais toute sa vie. Et c'est dans sa revue qu'il écrira de nombreux articles de critiques de concerts de musique contemporaine ainsi que de parutions discographiques, car il aura toujours voulu suivre l'actualité au plus près. L'ouvrage est scindé en trois parties. La première tente de cerner la personnalité de Prunières au travers de ses filiations et affinités. C'est ainsi que défileront les personnalités qui auront compté : Romain Rolland bien sûr, mais aussi André Suarès, Malipiero, Casella, Dukas, Manuel de Falla ou Nadia Boulanger. La deuxième partie se concentre sur sa production personnelle : ses ouvrages musicologiques, sa collection de cantates italiennes (avec nomenclature complète, par Alessio Ruffatti), sa contribution à la connaissance de Lully, et, plus inattendu, ses analyses de Stendhal critique musical. La troisième et dernière partie, la plus essentielle, porte sur La Revue musicale. Après un rapport sur l'état de la critique en France avant 1920, les divers auteurs détaillent maints aspects du travail éditorial de Prunières dont l'intérêt porté à l'illustration (gravures sur bois, estampes, lithos) ou à d'autres musiques (jazz). Intéressant, surtout pour nous Belges, le chapitre de Malou Haine sur Henry Le Boeuf. Le "patron" de la grande salle de concert bruxelloise fut un familier de Prunières, malgré certaines tensions. Il soulignera l'acoustique exceptionnelle de la salle des Beaux-Arts, ainsi que "l'intérêt constant de la Belgique pour la musique moderne" (création d'Aeneas de Roussel en 1935). Ce spécialiste de Lully est en effet passionné de la musique de son temps et renforce cet aspect de la revue, à un point tel que Gabriel Fauré la décrit, en 1921, comme "véritable moniteur officiel des musiciens d'extrême avant-garde" ! Comme on l'a dit, Prunières s'intéresse aussi au disque (environ 2000 parutions seront critiquées !), et l'article d'Elizabeth Giuliani mentionne plusieurs assertions prophétiques quant à l'avenir de l'édition phonographique, entre autres sur la répétition du répertoire facile (alerte aux variétés) ou la comparaison des interprétations. Cette édition académique comporte un important corpus de notes de bas de pages, des références détaillées et des annexes : liste des articles de Prunières, liste de ses travaux, biographie des auteurs du volume, et index des noms cités. Un ouvrage considérable!
Bruno Peeters
Henry Prunières (1886-1942), Un musicologue engagé dans la vie musicale de l'entre-deux-guerres, édité sous la direction de Myriam Chimènes, Florence Gétreau et Catherine Massip, publication de la Société française de musicologie, 2015, ill. couv.: Ex-libris d'Henry Prunières, 584 p., 48 euros.

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