Goué conquiert l'Amérique !

par

Emile GOUE (1904-1946)
Musique de chambre volume 3
Sextuor - Duo - Trio - Mélodies avec quatuor
E. Darvarova, K. Helberg (violons), R. Carbone, D. Cerutti (altos), S. Magill, W. Sutter (violoncelles), D. Top (ténor), L. Hall (piano)
2014-DDD-73' 09''- Notice en français et en anglais-Azur Classical AZC 120

La particularité de ce septième volume consacré à Emile Goué dans la collection du Festival International Albert-Roussel est d'être interprété par des musiciens issus de l'orchestre du Metropolitan Opera de New York. En effet, enthousiasmés par les précédentes parutions, certains instrumentistes de cette prestigieuse institution ont demandé à pouvoir participer à l'enregistrement de nouvelles oeuvres, toutes en première mondiale, bien sûr. Voici, tout d'abord, deux agréables pages pour violon et piano, intitulées Fleurs mortes, du début de la carrière du compositeur et encore influencées par Saint-Saëns et Fauré. Suit le Trio à cordes de 1939, de pleine maturité, au langage ardent mais classique, un peu aride (adagio), mais culminant sur un excellent allegro final bien rythmé. De 1942 -et donc des années passées dans un camp allemand- date le Sextuor à cordes, oeuvre ample et complexe. Chaque mouvement soulève l'intérêt. Le premier, par un sens du rythme haletant qui peut rappeler Roussel, le second par son atmosphère curieusement pré-minimaliste (on pense nettement à ... Philip Glass! -s’agit-il d’un “ plagiat par anticipation ” ?), le troisième, par un sens du recueillement élevé et émouvant, le final enfin par sa vivacité tranchante. Une oeuvre bien structurée et très attachante. Le Duo pour violon et violoncelle, dont l'effectif évoque bien entendu Ravel, renoue avec le côté austère qui fait partie inhérente de la personnalité de Goué et qui peut rebuter à première écoute. Le CD se termine par quelques pages vocales qui complètent l'anthologie éditée en 2006 (SyPr 054). Deux mélodies sur des textes de Jean de la Ville de Mirmont rappellent ce beau poète à notre souvenir, celui-là même qui écrivit L'Horizon chimérique mis en musique -et combien génialement- par Fauré. On retrouve Rilke aussi, pour un atmosphérique Jour d'automne (1944). Tout se termine dans un climat de berceuse nostalgique par L'Amitié de Christiane Delmas. Les mélodies (dont les textes ne sont, hélas, pas reproduits) sont chantées avec grande intensité par le ténor Damien Top, âme de cette collection. Quant aux musiciens du MET, y compris la pianiste, (elle est chef assistante), ils se donnent corps et âmes à cette musique oubliée qu'ils semblent tout heureux de faire connaître des deux côtés de l'Atlantique.
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 10 - Répertoire 8 - Interprétation 10

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