Herculanum renaît de ses cendres

par

0126_JOKERFélicien DAVID (1810-1876)
Herculanum
V. Gens (Lilia), K. Deshayes (Olympia), E. Montvidas (Hélios), N. Courjal (Nicanor / Satan), J. Véronèse (Magnus), Flemish Radio Choir, Brussels Philharmonic, dir.: Hervé NIQUET
2015-Livre-CD (2)-72' 5844 et 49' 06''-Textes de présentation en français et en anglais-chanté en français-Ediciones Singulares ES 1020

C'était le 8 mars 2014. A l'Opéra Royal de Versailles, un public médusé assistait à la première reprise d'un grand opéra français, Herculanum de Félicien David, créé en 1859, et totalement tombé dans l'oubli. En quittant l'écrin merveilleux qui avait abrité ce joyau ressuscité, il n'avait qu'une idée : réécouter cette oeuvre fascinante via l'enregistrement annoncé, et effectué la veille : Karine Deshayes, titulaire du rôle central d'Olympia, était en effet aphone le soir du concert, et ses airs et interventions avaient été coupés ou tronqués. L'album-disque du Palazzetto Bru Zane que voici était donc très attendu. Il comble toutes les attentes, tant vis à vis de la partition qu'envers son interprétation. La production est soignée à l'extrême, comme toujours au PBZ, et les analyses de Ralph P. Locke, Etienne Jardin et Alexandre Dratwicki très instructives. Elles sont complétées par le compte-rendu de Berlioz et la réception dans la presse contemporaine.  Nous, critiques du XXIème siècle, avons la chance de pouvoir écouter l'ouvrage à recenser autant de fois que nous le souhaitons avant rédaction. Les airs d'Olympia, non entendus à Versailles, puissants et passionnés, font pendant à ceux d'Helios, et Karine Deshayes les déclame avec l'aisance souveraine qu'on lui connait. Grâce à elle, le quatuor puis le grand finale de l'acte III retrouvent  la grandeur impressionnante que nous n'avons pu entendre lors du concert. Tous les autres chanteurs confirment nos impressions versaillaises. Hélios enflammé d'Edgaras Montvidas, Lilia lyrique puis dramatique de Véronique Gens, Nicolas Corjal incandescent dans le double rôle de Nicanor et de Satan, et Julien Véronèse en Magnus hiératique. A la réécoute, les morceaux qui m'avaient interpellé lors du concert m'ont à nouveau frappé : le duo Nicanor-Lydia au II, si bien conduit, avec ses récitatifs très berlioziens, le Credo exalté de Lilia "Je crois au Dieu que tout le Ciel révère", ainsi que le finale de l'acte III, la grande scène de Satan au début du IV et le duo final Helios-Lilia "Oui, j'ai mérité l'anathème", très inspiré. De belles pages représentatives du genre grand opéra à son apogée, qui ne fut pas l'exclusivité de Meyerbeer et d'Halévy. Herculanum date de 1859, l'année de Faust. Un nouveau souffle, plus frais, allait revigorer l'opéra français. C'est tout à la gloire du Palazzetto Bru Zane que de ressusciter un  tel opéra, dans des conditions d'interprétation absolument parfaites : les voix sont idéales, et l'enthousiasme d'Hervé Niquet soulève tant le Choeur de la Radio flamande que le Brussels Philharmonic. La cause de Félicien David n'est plus à défendre, elle est en marche, et attend bientôt une nouvelle étape : la parution discographique de l'ode-symphonie Christophe Colomb, montée à Versailles puis à Gand l'an dernier, et qui avait fait grande impression.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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